Activité lucrative indépendante, infraction pénale et provision pour dommages-intérêts

D’après l’art. 27 al. 1 LIFD, les contribuables exerçant une activité lucrative indépendante peuvent déduire les frais qui sont justifiés par l’usage commercial ou professionnel. Font notamment partie de ces frais, les provisions au sens de l’art. 29 LIFD (cf. art. 27 al. 2 let. a LIFD).

Selon l’art. 29 al. 1 LIFD, des provisions peuvent être constituées à la charge du compte de résultats pour les engagements de l’exercice dont le montant est encore indéterminé (let. a), les risques de pertes sur des actifs circulants, notamment sur les marchandises et les débiteurs (let. b), les autres risques de pertes imminentes durant l’exercice (let. c) et les futurs mandats de recherche et de développement confiés à des tiers (…) (let. d).

D’après l’art. 29 al. 2 LIFD, les provisions qui ne se justifient plus sont ajoutées au revenu commercial imposable.

Pour être admise en droit fiscal, la provision doit aussi respecter le principe de périodicité. Le principe de périodicité réclame que la comptabilité soit bouclée périodiquement et que les revenus et les charges de l’entreprise soient alloués aux différentes périodes comptables. Ainsi une provision doit porter sur des faits dont l’origine se déroule durant la période de calcul.

A teneur de l’art. 18 al. 3 LIFD, l’art. 58 LIFD s’applique par analogie aux contribuables qui tiennent une comptabilité en bonne et due forme. Selon l’art. 58 al. 1 LIFD, le bénéfice net imposable de la société comprend en particulier le solde du compte de résultats (let. a) et tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultats, qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial (let b).

L’art. 58 al. 1 let. a LIFD énonce le principe de l’autorité du bilan commercial (“Massgeblichkeitsprinzip”), selon lequel le bilan commercial est déterminant en droit fiscal. Les comptes établis conformément aux règles du droit commercial lient les autorités fiscales, à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices spécifiques. L’autorité fiscale peut donc s’écarter du bilan remis par le contribuable lorsque des dispositions impératives du droit commercial sont violées ou que des normes fiscales correctrices l’exigent. Selon ce principe, le contribuable est lié à la situation patrimoniale de la période fiscale, telle qu’elle ressort des livres de compte régulièrement établis.

La Cour suprême du canton de Berne a condamné sur appel, le 1er décembre 2015, le recourant pour gestion déloyale, au motif qu’il avait causé un préjudice à la fondation de prévoyance F.________. La Cour suprême a également statué à cette occasion sur les prétentions civiles formulées par la caisse supplétive LPP et condamné le recourant au paiement en sa faveur d’un montant de 615’590,45 fr., intérêts en sus, à titre de dommages-intérêts. Le recours formé par le recourant à l’encontre de ce jugement a été rejeté par le Tribunal fédéral.

Pour être déductibles, les dommages-intérêts doivent se trouver dans un rapport suffisamment étroit avec l’exercice de l’activité lucrative. Tel est le cas si le risque qui s’est réalisé apparaît comme inhérent à cette activité et que l’on doit s’en accommoder. Dans cette situation, en effet, la capacité contributive, déterminante pour l’imposition, s’en trouve affectée.

Ne sont en revanche pas déductibles les dommages-intérêts qui ne découlent pas de la réalisation d’un risque habituellement encouru dans l’exercice de l’activité en cause. Il en va ainsi par exemple lorsque la responsabilité du contribuable est engagée du fait d’un manquement crasse et extraordinaire ou d’une négligence grave voire d’un comportement intentionnel.

En l’occurrence, la prétention en dommages-intérêts dont dispose la caisse supplétive LPP se déduit de l’infraction pénale de gestion déloyale dont s’est rendu coupable le recourant. La Cour suprême du canton de Berne a en outre exclu, d’un point de vue subjectif, que le recourant ait agi par simple négligence. Dans ces circonstances, on se trouve bien en présence d’une faute grave, qui justifie de considérer que la charge n’est pas justifiée par l’usage commercial, ce d’autant plus que la circonstance aggravante de l’art. 158 ch. 1 al. 3 CP, applicable si l’auteur a agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, a été retenue à son encontre.

(Arrêt de la CDAP FI.2016.0102 du 20.01.2017, consid. 5)

Me Philippe Ehrenström, avocat, ll.m. (tax), Genève et Yverdon

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Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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