Impôt sur les gains immobiliers, durée de la possession en cas de donation d’un immeuble issu de la fortune commerciale

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L’impôt sur les gains immobiliers est un impôt cantonal, harmonisé à l’art. 12 LHID. Dans le canton de Genève, il est régi aux art. 80 ss de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP; RS/GE 3 05). Le canton de Genève prélève l’impôt sur les gains immobiliers non seulement sur les gains réalisés lors de l’aliénation d’immeubles privés, comme l’exige l’art. 12 al. 1 LHID, mais aussi sur ceux réalisés lors de l’aliénation d’immeubles commerciaux, comme le permet l’art. 12 al. 4 LHID (cf. art. 80 al. 1 LCP). Dans ce cas toutefois, et conformément à l’art. 12 al. 4 LHID, l’impôt sur les gains immobiliers est imputé sur l’impôt sur le revenu, respectivement sur le bénéfice (système dit mixte ou matériellement dualiste).

Dans le canton de Genève, le transfert d’un immeuble de la fortune commerciale à la fortune privée d’une personne physique est donc soumis à l’impôt sur les gains immobiliers. Ce cas d’imposition est du reste expressément prévu à l’art. 80 al. 5 LCP. Comme le revenu provenant de cette réalisation systématique représente un produit d’activité indépendante soumis à l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les gains immobiliers est imputé sur l’impôt sur le revenu, ou remboursé pour la part qui excède celui-ci (art. 42 LIPP). La notion de fortune commerciale, définie dans le contexte de l’impôt sur le revenu à l’art. 8 al. 2 LHID en droit harmonisé (et reprise en droit genevois à l’art. 19 al. 3 LIPP), est la même que celle qui prévaut dans le domaine de l’impôt sur les gains immobiliers.

 Selon l’art. 12 al. 2 LHID, toute aliénation d’immeubles est imposable. Conformément à l’art. 12 al. 5 LHID, le droit genevois prévoit des taux d’impôt dégressifs en fonction de la durée de possession de l’immeuble (art. 84 LCP). En particulier, un taux de 10% s’applique lorsque la durée de possession est de 10 ans au moins, mais de moins de 25 ans, et un taux de 0% s’applique au-delà d’une durée de possession de 25 ans (art. 84 al. 1 let. f et g LCP). 

L’imposition est toutefois différée (selon la terminologie genevoise: “prorogée”) dans certaines situations, notamment en cas de transfert de la propriété par donation (art. 12 al. 3 let. a LHID; art. 81 al. 1 let. b LCP). Le différé d’imposition, obligatoire pour les cantons, signifie qu’un transfert constituant en soi un acte d’aliénation n’est pas soumis à imposition. Tout se passe, sous l’angle de l’impôt sur les gains immobiliers, comme si le transfert n’avait pas eu lieu. L’augmentation de valeur qui s’est produite entre la dernière aliénation imposable et l’acte prorogeant l’imposition n’est provisoirement pas taxée; l’imposition est simplement différée jusqu’à nouvelle aliénation imposable. En droit genevois, l’art. 82 al. 3 LCP précise que, lors de l’aliénation d’un immeuble acquis par un transfert justifiant la prorogation de l’imposition, le prix d’acquisition est celui de la dernière aliénation soumise à l’impôt, qui est aussi déterminante pour fixer la durée de possession.

 La donation d’un élément de la fortune commerciale implique son passage préalable dans la fortune privée du donateur. Ce transfert est soumis à l’impôt sur les gains immobiliers dans le canton de Genève. La donation, qui donne obligatoirement lieu au report d’imposition, est donc immédiatement précédée d’un transfert qui est soumis à l’impôt sur les gains immobiliers dans le canton de Genève. Il en découle que, si cet immeuble fait ensuite l’objet d’une aliénation imposable, c’est la date du transfert de la fortune commerciale à la fortune privée du donateur, préalable à l’acte de donation, qui est déterminante pour fixer la durée de possession et partant le taux de l’impôt sur les gains immobiliers. 

(Arrêt du Tribunal fédéral 2C_501/2020 du 15 mars 2021)

Me Philippe Ehrenström, LL.M., avocat, Genève et Onnens (VD)

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Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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