Les recourants (= les contribuables) contestent l’imposition 2008 à 2011 des bénéfices et des fonds propres d’D______ LP à Genève au motif qu’il s’agit d’un établissement stable, le cas échéant d’une entreprise, situé à l’étranger. Ils ne remettent cependant en cause ni leur assujettissement illimité à l’IFD et ICC en raison de leur domicile en Suisse, ni l’exercice d’une activité lucrative indépendante par M. B______ au sein d’D______ LP.
Les personnes physiques sont assujetties à l’impôt à raison du rattachement personnel lorsque, au regard du droit fiscal, elles sont domiciliées ou séjournent en Suisse (art. 3 al. 1 LIFD). L’assujettissement fondé sur un rattachement personnel est illimité, mais ne s’étend pas aux établissements stables et aux immeubles situés à l’étranger (art. 6 al. 1 LIFD). Cette exemption est inconditionnelle et existe indépendamment de l’imposition effective ou non de l’entreprise, de l’établissement ou de l’immeuble à l’étranger (ATA/1017/2015).
Les personnes physiques domiciliées en Suisse sont en principe imposables sur tous leurs revenus de source étrangère, dès l’instant où elles sont domiciliées en Suisse, de sorte que, en l’absence de convention de double imposition, les revenus tirés de l’activité indépendante exercée à l’étranger sont pleinement imposables en Suisse. Il en va de même des revenus de l’activité indépendante effectuée à l’étranger, pour autant que celle-ci ne se déploie pas dans le cadre d’une entreprise ou d’un établissement stable dans cet État (ATA/381/2013), notions correspondant à celles mentionnées à l’art. 4 LIFD et qui sont également applicables aux établissements à l’étranger (ATF 139 II 78 consid. 2 ; ATA/1017/2015).
L’art. 4 al. 2 LIFD définit l’établissement stable comme toute installation fixe dans laquelle s’exerce tout ou partie de l’activité de l’entreprise, tant d’un point de vue qualitatif que quantitatif (ATF 134 I 303 consid. 2.2). L’entreprise doit exercer son activité au travers d’installations permanentes, ce qui implique qu’elles soient à sa disposition de façon durable, de manière à pouvoir en disposer économiquement. Pour être qualitativement importante, l’activité doit entrer dans le cercle de celle, principale, de l’entreprise. L’exigence d’une activité quantitativement importante s’analyse, quant à elle, différemment suivant chaque type d’entreprise et signifie que l’installation en cause doit exercer une activité qui n’est pas accessoire ou d’importance secondaire. En outre, l’établissement doit effectuer une partie de l’activité de l’entreprise, ce qui exclut en principe qu’une filiale puisse être considérée comme un établissement stable de sa mère.
Il est admis que des exigences plus élevées soient posées lorsqu’il s’agit de reconnaître l’existence d’un établissement stable à l’étranger plutôt qu’en Suisse, pays dans lequel les activités exercées à l’étranger seront toutefois imposées en cas de doute en raison de l’assujettissement illimité. Par ailleurs, dans le cadre d’un « ruling », l’autorité fiscale peut exiger des associés une présence régulière sur les lieux de l’établissement en vue de gérer ses activités afin de lui reconnaître la stabilité nécessaire pour ne pas imposer ses revenus en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_664/2013 du 28 avril 2014 consid. 4.3 ; ATA/798/2013 du 10 décembre 2013).
Cette notion d’établissement stable est identique au niveau cantonal – art. 3 al. 3 a LIPP-I et art. 3 al. 3 LIPP – de sorte qu’il convient de se référer aux développements relatifs à l’IFD.
Suivant leur type, les partenariats sont considérés, en droit privé suisse, comme des sociétés simples, des sociétés en nom collectif ou des sociétés en commandite et n’ont pas la personnalité juridique. N’étant pas des sujets fiscaux, ils sont traités comme fiscalement transparents, de sorte que leurs revenus sont attribués aux associés, pour autant qu’il s’agisse de personnes physiques. Lorsque le partenariat est étranger, il convient toutefois d’examiner s’il possède ou non la personnalité juridique, de manière à déterminer la façon dont doivent être alloués les revenus et la fortune découlant de son activité, cet examen devant se faire selon le droit applicable au regard de l’art. 154 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP – RS 291). Ce n’est que dans l’hypothèse où l’entité étrangère n’aurait pas la personnalité juridique que ses revenus seront alloués aux associés (arrêt du Tribunal fédéral 2C_664/2013 consid. 5.1).
La notion d’entreprise au sens de l’art. 6 al. 1 LIFD est large et comprend toute activité lucrative indépendante au sens de l’art. 18 al. 1 LIFD. Constitue ainsi une entreprise toute activité entrepreneuriale effectuée par une personne à ses propres risques, avec la mise en œuvre de travail et de capital, dans une organisation librement choisie et reconnaissable de l’extérieur. En cas de doute sur l’existence d’une entreprise à l’étranger, il convient de soumettre le revenu afférent à l’impôt en Suisse, en raison de l’assujettissement illimité de l’associé dans ce pays de l’entrepreneur, respectivement de l’associé en Suisse. À l’appui de cette affirmation, le Tribunal fédéral invoque le souci de cohérence avec sa jurisprudence en matière d’établissement stable (RDAF 2017 II 26 p. 30 et 31 et les références citées).
Il existe une différence entre l’établissement stable et la notion d’entreprise, cette dernière est un concept autonome qui vise l’exploitation d’une entreprise, comme agent économique autonome, en la forme commerciale. Contrairement à l’établissement stable, l’exploitation de l’entreprise est conçue dans sa globalité, et non en partie.
De jurisprudence constante et selon un principe généralement admis en matière fiscale, il appartient à l’autorité fiscale de démontrer l’existence d’éléments créant ou augmentant la charge fiscale, alors que le contribuable supporte le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation fiscale. S’agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d’en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l’échec de cette preuve, ces règles s’appliquant également à la procédure devant les autorités de recours. Le contribuable a la charge de la preuve de l’effectivité de l’administration de l’entreprise ou de l’établissement stable à l’étranger, faute de quoi l’imposition a lieu en Suisse.
En présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l’intéressé a données en premier lieu, alors qu’il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures.
Les recourants invoquent que les revenus et la fortune commerciale d’D______ LP étaient liés à l’activité indépendante du contribuable, exercée à Jersey, cette entité constituant un établissement stable, M. B______ s’y rendant régulièrement pour y exercer son activité.
Les recourants ont certes démontré avoir loué des locaux à Jersey et engagé un employé sur place, ce qui permet de retenir l’existence effective d’une installation fixe en ce lieu. Comme l’a à juste titre relevé le TAPI, les contribuables n’ont toutefois pas démontré l’exercice d’une activité commerciale principale à Jersey. En particulier, les tâches administratives de facturation et de comptabilité d’D______ LP n’entrent pas dans le cercle des activités principales de cette société. L’allégation selon laquelle les activités exécutées par MM. L______, M______ et O______ relèveraient d’une fonction dirigeante ne convainc pas, la signature de certains contrats commerciaux, la gestion financière et comptable notamment la facturation ne conférant pas de pouvoirs décisionnels d’autant plus que, selon les recourants, les prénommés agissaient sous la supervision de M. B______. Par ailleurs, les recourants n’ont invoqué cet élément que dans un deuxième temps, soit devant la chambre de céans, si bien que cette allégation doit être appréciée avec retenue. La location d’une pièce de 25 m2 à Jersey ne démontre pas l’exercice d’une activité commerciale effective, ladite pièce ne permettant pas l’exercice d’une telle activité quand bien même elle serait équipée d’outils informatiques de base. En outre, il ne ressort pas des procès-verbaux de réunions que les activités exercées à Jersey étaient directement liées au but commercial d’D______ LP, soit notamment l’achat et la vente de placements. Le nombre de réunions effectuées par M. B______ à Jersey n’est pas suffisant pour démontrer l’exercice d’une activité commerciale principale en ce lieu, malgré son taux de travail partiel. Vu les éléments qui précèdent et compte tenu de la jurisprudence restrictive pour admettre l’existence d’un établissement stable à l’étranger, les contribuables n’ont pas établi l’existence de celui-ci.
Le raisonnement est identique s’agissant de la prétendue existence d’une entreprise à l’étranger, les recourants n’avançant aucun élément supplémentaire démontrant l’existence de celle-ci.
Les recourants invoquent enfin l’existence d’établissements stables sis à l’étranger, Mmes I______, J______ et K______ et M. P______, consultants pour d’D______ LP ayant réalisé des mandats depuis leur domicile et depuis les locaux de clients. Le domicile des précités et les locaux des clients ne constituent pas des établissements stables en raison du caractère provisoire de ces lieux de travail. Ce grief sera dès lors également écarté.
Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.
(ATA/1605/2017)
Me Philippe Ehrenström, avocat, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon