B.X.________ et A.X.________ (ci-après: les époux X.________ ou les contribuables), domiciliés dans le canton de Genève, sont propriétaires depuis 2003 d’un terrain situé à C.________, au Portugal, sur lequel ils ont fait construire une maison pour un prix de 145’000 euros. La construction a été achevée en juin 2008. En 2010, les autorités fiscales portugaises ont évalué le terrain à 4’327 euros 95 et la maison à 145’320 euros.
Ayant appris que la maison située à C.________, Portugal, ainsi que d’autres biens, n’avaient pas été déclarés par les contribuables, l’Administration fiscale cantonale de la République et canton de Genève (ci-après: l’Administration fiscale cantonale) a ouvert à leur encontre, le 15 décembre 2011, une procédure en rappel d’impôt et soustraction pour les années fiscales 2001 à 2009.
A la suite de la réclamation des contribuables, l’Administration fiscale cantonale a, dans la fixation du taux d’imposition, tenu compte, à partir du 1er juillet 2008, de la valeur locative de la maison située à C.________, Portugal, qu’elle a estimée à 4,5% de la valeur fiscale en euros (145’320 euros) de la maison, soit 6’539 euros (545 euros mensuels).
Le Tribunal administratif de première instance, la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) et le Tribunal fédéral rejettent les recours interjetés par les contribuables.
Concernant l’établissement des faits, le Tribunal fédéral relève que la Cour de justice a établi que le calcul de la valeur locative de la maison des recourants était fondé sur sa valeur fiscale. Cette valeur fiscale (145’320 euros), non contestée, avait été fixée en fonction du prix de construction de la maison (145’000 euros), lequel reflétait son confort et les conditions locales, étant précisé que la villa venait d’être achevée. Dans ces circonstances, la Cour de justice a estimé qu’il n’y avait pas lieu de s’écarter du calcul de la valeur locative effectué par l’Administration fiscale cantonale et a confirmé le montant de 6’539 euros annuels, correspondant à 4,5% de la valeur fiscale de la maison, retenu par celle-ci.
A ce propos, il n’apparaît pas insoutenable, et les recourants ne démontrent pas que tel serait le cas, de considérer que l’évaluation faite, à la demande des intéressés, par une agence immobilière locale du loyer mensuel n’est pas un document propre à établir de manière objective la valeur locative, alors que cette estimation ne contient notamment aucune référence à des biens similaires loués dans la région et s’écarte en outre sensiblement de la première estimation fournie, pourtant effectuée par la même agence. Dans ces circonstances, on ne peut reprocher à la Cour de justice d’être tombée dans l’arbitraire en ne prenant pas en compte le montant résultant de l’évaluation de l’agence immobilière produite par les recourants.
Le litige porte exclusivement sur la valeur locative de la maison des recourants située au Portugal prise en considération par l’Administration fiscale cantonale pour déterminer leur taux d’imposition pour les bordereaux de rappel d’impôts IFD et ICC pour les périodes fiscales 2008 et 2009 et les amendes y relatives.
Les recourants, domiciliés en Suisse, sont assujettis à l’impôt dans ce pays (art. 3 al. 1 LIFD; art. 3 LHID) de manière illimitée (art. 6 al. 1 LIFD). Cet assujettissement ne s’étend pas à leur immeuble situé à l’étranger (art. 6 al. 1 LIFD; art. 5 al. 1 aLIPP-I). En tant qu’élément imposable en Suisse (art. 21 al. 1 let. b LIFD; art. 7 al. 1 LHID), la valeur locative de cet immeuble entre toutefois en considération pour la détermination du taux d’imposition des contribuables, tant pour l’IFD que pour les ICC (exemption sous réserve de progressivité; art. 7 al. 1 LIFD; cf. ATF 140 II 157 consid. 7.5 p. 163 s.).
La Convention du 26 septembre 1974 entre la Suisse et le Portugal en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (RS 0.672.965.41) ne s’oppose pas à ce qui précède. Elle prévoit en effet l’imposition des revenus provenant des biens immobiliers dans l’Etat contractant où ces biens sont situés (art. 6 al. 1 CDI CH-PT), tout en laissant à la Suisse la possibilité de tenir compte des revenus ou de la fortune imposables au Portugal selon la Convention pour établir le taux d’imposition sur le reste du revenu ou de la fortune (art. 23 al. 3 CDI CH-PT).
En l’occurrence, les recourants ne contestent à juste titre pas le principe de la prise en considération de la valeur locative de leur maison située au Portugal pour la détermination de leur taux d’imposition, tant en matière d’IFD que d’ICC, pour les années 2008 et 2009. Ils critiquent uniquement la méthode de calcul employée par l’Administration fiscale cantonale pour établir le montant de la valeur locative de leur maison et le résultat en découlant.
Se fondant sur une information de l’Administration fiscale cantonale du 1er février 1991 intitulée “Détermination de la valeur locative nette en matière d’impôt fédéral direct pour la période de taxation 1991-1992” (ci-après: l’information du 1er février 1991), l’Administration fiscale cantonale a pour pratique d’estimer la valeur locative des immeubles situés dans un pays qui, comme le Portugal, ne connaît pas l’imposition de la valeur locative, à 4,5% de la valeur fiscale du bien (villa ou appartement en PPE). Le taux de 4,5% tient déjà compte d’une déduction forfaitaire de 25% de la valeur locative brute pour les frais d’entretien, qui ne peuvent donc être déduits. L’information du 1er février 1991 ne distingue pas les immeubles situés en Suisse de ceux situés à l’étranger, précisant uniquement que, pour ces derniers, le rendement (ou la valeur locative) ne sera pris (e) en considération que pour déterminer le taux d’imposition.
Les recourants font valoir que l’information du 1er février 1991 a été abrogée et ne peut, par conséquent, être utilisée pour calculer la valeur locative de leur maison.
L’information du 1er février 1991 n’a pas force de loi et ne lie pas le Tribunal fédéral et les autres autorités d’application du droit. Le juge peut s’en écarter s’il l’estime contraire à la loi ou à une ordonnance. Toutefois, si cette information permet une application correcte des dispositions légales dans le cas d’espèce, il y a lieu d’en tenir compte (cf. ATF 142 II 182 consid. 2.3.2 p. 190 s.; cf. arrêt 2C_757/2016 du 8 décembre 2016 au sujet d’une information de l’Administration fiscale cantonale genevoise).
En l’occurrence, rien n’indique que l’information du 1er février 1991 ait été supprimée ou remplacée s’agissant de la valeur locative des immeubles situés à l’étranger. S’il est vrai que cette information avait pour objet l’impôt fédéral direct 1991-1992, on ne voit a priori pas que l’Administration fiscale cantonale ne puisse pas s’y référer, afin de fixer une pratique uniforme en matière de calcul de la valeur locative des immeubles situés dans des pays qui ne connaissent pas l’imposition de la valeur locative. Reste toutefois à vérifier si la méthode de calcul prévue dans cette information permet d’aboutir à un calcul de la valeur locative conforme au droit.
L’art. 21 al. 2 LIFD prévoit que la valeur locative est déterminée compte tenu des conditions locales et de l’utilisation effective du logement au domicile du contribuable. Selon cette disposition et la jurisprudence en matière d’impôt fédéral direct, la valeur locative doit être estimée à la valeur du marché, en prenant en considération les conditions locales. La valeur locative doit ainsi correspondre au montant que le propriétaire ou le détenteur des droits de jouissance devrait payer sur le marché pour pouvoir occuper le bien immobilier dans les mêmes conditions. Pour les résidences principales au domicile du contribuable, il est en outre tenu compte de l’utilisation effective du logement (cf. art. 21 al. 2 in fine LIFD; cf. ATF 135 II 416; arrêt 2C_279/2015 du 30 octobre 2015 consid. 2.5). Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la valeur locative retenue par le canton en matière d’impôt fédéral direct ne doit pas se situer en deçà du 70% (et non pas du 60% comme cela vaut pour l’impôt cantonal et communal) de la valeur du marché (ATF 123 II 9 consid. 4b p. 14 s.; arrêt 2C_757/2015 du 8 décembre 2016 consid. 5.1).
Les recourants font valoir que l’art. 21 al. 2 LIFD proscrit une méthode de calcul de la valeur locative fondée sur un pourcentage de la valeur fiscale, car un tel calcul forfaitaire ne prendrait pas en compte les conditions locales. Ce grief doit être écarté.
En effet, l’art. 21 al. 2 LIFD n’impose pas de méthode de calcul déterminée de la valeur locative, de sorte qu’un calcul fondé sur un pourcentage de la valeur fiscale n’est pas d’emblée exclu. La détermination de la valeur locative en pour-cent de la valeur fiscale ou de la valeur vénale de l’immeuble est du reste une méthode expressément envisagée dans la circulaire et les directives de l’AFC du 25 mars 1969 concernant la détermination du rendement locatif imposable des maisons d’habitation (Archives 38 p. 121 ss) et qui est appliquée dans plusieurs cantons pour les immeubles habités par leurs propriétaires.
Les recourants font valoir que si le principe d’un calcul forfaitaire de la valeur locative des immeubles situés à l’étranger en pourcentage de la valeur fiscale devait être confirmé, le taux à retenir devrait être adapté en fonction de l’évolution des marchés financiers et être arrêté à 2% au maximum, correspondant au taux de rendement des obligations de la Confédération.
Les recourants n’expliquent pas pour quelle raison la valeur locative de leur immeuble au Portugal devrait être fixée en fonction du rendement des obligations de la Confédération pour correspondre au prix du marché immobilier de C.________. Quoi qu’il en soit à cet égard, on relèvera que, dans ses directives du 25 mars 1969, l’AFC indique que la valeur locative brute représente en général 6% de la valeur fiscale, ou, à titre de contrôle, un rendement net correspondant à 3 ou 4% du capital propre investi dans l’immeuble (Archives 38, p. 126). Au vu de ces directives, le taux de 4,5% net de la valeur fiscale appliqué par l’Administration fiscale cantonale pour les immeubles situés à l’étranger n’est pas critiquable.
Les recourants font valoir que le résultat du calcul forfaitaire de la valeur locative de leur villa s’écarte du prix du marché, dès lors qu’il ne prend pas en considération les salaires moyens réalisés dans la région et le fait que la maison n’est pas située dans une zone touristique. Le premier argument des recourants doit être écarté dans la mesure où on ne voit pas en quoi les salaires moyens d’une région seraient un indicateur plus fiable que l’évaluation fiscale de l’immeuble pour établir la valeur locative. Les salaires moyens réalisés dans une région ne font d’ailleurs pas partie des facteurs que l’AFC préconise, dans ses directives, de prendre en compte pour le calcul de la valeur locative. Le second argument doit également être écarté. En effet, la Cour de justice a retenu que la location de la maison des recourants n’était pas limitée aux seuls habitants de la région. Or, le fait que la maison ne soit pas située en zone touristique, qui ne résulte du reste pas de l’arrêt entrepris (cf. art. 105 al. 1 LTF), ne démontre pas que cette appréciation serait arbitraire. Au demeurant, l’évaluation fiscale de l’immeuble tient compte de sa situation géographique.
Dans un dernier argument, les recourants font valoir que les fluctuations des taux de change entre l’euro et le franc suisse ne sont pas prises en compte avec la méthode de calcul forfaitaire de la valeur locative fondée sur la valeur fiscale de l’immeuble, ce qui aboutirait partant à des résultats pouvant s’écarter du prix du marché. Les recourants précisent eux-mêmes qu’il n’y a pas de telle fluctuation dans leur situation. Il n’y a partant pas lieu d’examiner plus avant cette critique.
Il découle de ce qui précède que la méthode de calcul forfaitaire de la valeur locative utilisée par l’Administration fiscale cantonale pour les immeubles situés dans des pays qui ne connaissent pas l’imposition de la valeur locative n’apparaît pas contraire à l’art. 21 al. 2 LIFD. En outre, aucun des arguments des recourants ne démontre que le montant de la valeur locative de leur villa obtenu au terme de ce calcul violerait en l’espèce les prescriptions de l’art. 21 al. 2 LIFD.
Quelle que soit la méthode de calcul applicable pour déterminer la valeur locative, les recourants estiment que leur maison au Portugal n’est habitable qu’une partie de l’année, ce qui justifierait une réduction de ladite valeur.
La valeur locative d’une maison de vacances ne se calcule pas en fonction de son utilisation effective (ATF 132 I 157 consid. 6 p. 166); elle ne peut être réduite proportionnellement qu’au cas où l’utilisation de la maison est pratiquement impossible une partie de l’année (ATF 99 Ia 344 consid. 5 c p. 350).
En l’occurrence, la Cour de justice a constaté que l’absence de chauffage central et d’isolation ne rendait pas la maison des recourants inhabitable une partie de l’année, vu les autres moyens à disposition pour la chauffer. Le montant de la valeur locative retenu par l’Administration fiscale cantonale et confirmé par la Cour de justice n’a partant pas à être réduit au motif d’un usage restreint.
Les recourants se plaignent d’inégalité de traitement. Ils font valoir que, depuis l’entrée en vigueur de la LIFD, la valeur locative se détermine, à Genève, uniquement d’après un questionnaire détaillé prenant en compte tous les critères déterminants (cf. “questionnaire de valeur locative destiné aux propriétaires d’appartements et de villas” édité par l’Administration fiscale cantonale). Il serait partant contraire au principe d’égalité de traitement d’appliquer une méthode forfaitaire de calcul de la valeur locative pour les immeubles situés à l’étranger.
Les recourants perdent toutefois de vue que la situation des contribuables domiciliés en Suisse, mais propriétaires d’immeubles situés à l’étranger, n’est pas comparable à celle des contribuables domiciliés en Suisse propriétaires d’immeubles situés à Genève. Les recourants ne peuvent donc pas revendiquer un traitement similaire à celui des propriétaires d’immeubles situés à Genève. Dès lors que la valeur locative d’un immeuble situé à l’étranger n’entre pas en considération dans l’assiette de l’impôt sur le revenu, mais uniquement dans la fixation du taux d’imposition, on peut au demeurant admettre que les administrations fiscales se montrent plus schématiques dans leur méthode de calcul, lorsque, comme en l’espèce, les contribuables n’ont pas fourni d’éléments suffisamment probants au sujet de la valeur locative de leur maison. Le grief doit partant être rejeté.
Concernant l’impôt cantonal et communal, l’art. 7 al. 1 LHID prévoit que l’impôt sur le revenu a notamment pour objet la valeur locative de l’habitation du contribuable dans son propre immeuble. Les cantons jouissent donc d’une certaine marge de manoeuvre dans la fixation de la valeur locative. Celle-ci doit correspondre au prix du marché, mais peut notamment être fixée à une valeur inférieure dans la mesure où elle ne passe pas en dessous de la limite constitutionnelle fixée à 60% du loyer du marché.
La LHID n’impose pas aux cantons de méthode déterminée pour le calcul de la valeur locative en matière d’ICC. Partant, les considérations développées pour l’impôt fédéral direct 2008 et 2009 s’appliquent mutatis mutandis aux impôts cantonal et communal 2008 et 2009.
(Arrêt du Tribunal fédéral 2C_829/2016, 2C_830/2016 du 10 mai 2017)
Me Philippe Ehrenström, avocat, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon