L’imposition du revenu et de la fortune mobilière d’une personne revient au canton où cette personne a son domicile fiscal. On entend par là en principe le domicile civil, c’est-à-dire le lieu où la personne réside avec l’intention de s’y établir durablement (art. 23 al. 1 CC) et où se situe le centre de ses intérêts. Le domicile politique ne joue, dans ce contexte, aucun rôle décisif: le dépôt des papiers et l’exercice des droits politiques ne constituent, au même titre que les autres relations de la personne assujettie à l’impôt, que des indices propres à déterminer le domicile fiscal. Le lieu où la personne assujettie a le centre de ses intérêts personnels se détermine en fonction de l’ensemble des circonstances objectives, et non des déclarations de la personne; dans cette mesure, il n’est pas possible de choisir librement un domicile fiscal. Ainsi, il est nécessaire que ces circonstances puissent être objectivement constatées; les liens d’un contribuable avec l’endroit qu’il allègue être son domicile ne sauraient avoir un simple caractère affectif.
Le Tribunal fédéral a posé pour principe l’unité du domicile (v. ATF 121 I 17). Ce principe n’empêche pas cependant qu’une personne puisse séjourner alternativement à deux endroits et qu’elle entretienne des relations avec chacun d’entre eux, notamment lorsqu’elle réside au lieu de son travail une partie de la semaine et en un lieu différent, l’autre partie de celle-ci. En ce cas particulier, la détermination du domicile fiscal n’est pas non plus laissée au libre choix du contribuable; le critère déterminant est celui du centre des relations personnelles, familiales et vitales.
Pour le contribuable exerçant une activité lucrative dépendante, le domicile fiscal se trouve en principe à son lieu de travail, soit au lieu à partir duquel il exerce quotidiennement son activité lucrative, pour une longue durée ou pour un temps indéterminé, en vue de subvenir à ses besoins. Cependant, pour le contribuable marié dont le lieu de travail ne correspond pas au lieu de résidence de la famille, les liens créés par les rapports personnels et familiaux l’emportent en général sur ceux tissés au lieu de travail; pour cette raison, ces personnes sont imposables en principe au lieu de résidence de la famille.
S’agissant de contribuables célibataires, la jurisprudence considère que les parents et les frères et soeurs peuvent, selon les circonstances, être assimilés au conjoint et aux enfants. Toutefois, les critères qui conduisent le Tribunal fédéral à désigner non pas le lieu où le contribuable travaille, mais celui où réside sa famille comme domicile fiscal doivent être appliqués de manière particulièrement stricte, dans la mesure où les liens avec les parents et la fratrie sont généralement plus distants que ceux existant entre époux et enfants. Le Tribunal fédéral considère ainsi que les relations du contribuable célibataire avec ses parents sont en général moins étroites, lorsque celui-ci a plus de trente ans ou qu’il réside sur son lieu de travail de manière ininterrompue depuis plus de cinq ans (« pratique bâloise »). Le lieu du séjour en fin de semaine ou durant les vacances n’est pas suffisant pour constituer objectivement un domicile fiscal principal. Il a ainsi été jugé que les relations personnelles et matérielles entretenues durant la semaine avec le lieu du travail ou celui à partir duquel le travail est exercé (« Wochenaufenthaltsort« ) l’emportaient sur celles que ces mêmes contribuables peuvent nouer ailleurs pendant le week-end (v. ATF 125 I 54; cf. en outre arrêts FI.2011.0007 du 24 juin 2011; FI.2010.0045 du 18 octobre 2010; FI.2009.0127 du 13 avril 2010; FI.2004.0145 du 18 avril 2005; FI.2000.0043 du 29 septembre 2000). En particulier, le Tribunal fédéral a relevé sur ce point que l’appartenance à des sociétés locales traditionnelles n’était guère significative au point que l’on doive conclure à une implication prépondérante en un lieu déterminé (cf. arrêts 2C_794/2013 du 2 mai 2014 consid. 3.6, 2C_178/2011 du 2 novembre 2011 consid. 3.4; voir aussi arrêt FI.2003.0055 du 26 janvier 2004). Cette présomption peut être renversée si le contribuable rentre régulièrement, au moins une fois par semaine, au lieu de résidence des membres de sa famille et qu’il parvient à démontrer qu’il entretient avec ceux-ci des liens particulièrement étroits et jouit dans ce même lieu d’autres relations personnelles et sociales (cf. arrêts 2C_854/2013 du 12 février 2014 consid. 5.1; 2C_250/2012 du 29 août 2013 consid. 2.3, in StE 2013 A 24.21 Nr. 27; 2C_397/2010 du 6 décembre 2010 consid. 2.3, in: RDAF 2011 II 127; arrêts FI.2011.0075 du 14 septembre 2012; FI.2010.0050 du 2 février 2011).
Dans plusieurs affaires, le Tribunal fédéral a retenu que le contribuable célibataire n’avait pas réussi à renverser la présomption selon laquelle le domicile fiscal principal se trouvait au lieu de travail. Bien qu’il ait été admis que les liens entretenus avec le lieu où celui-ci avait passé sa jeunesse étaient importants, il a également été relevé que cela ne suffisait pas pour considérer ces liens comme plus intenses que ceux ordinairement entretenus avec un lieu de résidence de fin de semaine, dans les cas suivants: une célibataire de 41 ans louant un appartement de cinq pièces sur son lieu de travail et se rendant fréquemment chez ses parents dans un autre canton (arrêt 2C_918/2011 du 12 avril 2012 consid. 3.4); un célibataire de 47 ans retournant une fois par semaine au lieu de résidence de ses parents et y entretenant des relations personnelles et sociales, mais ne parvenant pas à démontrer de façon crédible qu’il n’entretenait aucune relation sociale à son lieu de travail (arrêt 2C_518/2011 du 1er février 2012 consid. 2.4); un célibataire de 32 ans entretenant des relations étroites au domicile de ses parents où il était membre de nombreuses associations, disposait d’une chambre dans l’appartement de ses parents et retournait presque chaque fin de semaine, mais disposant de perspectives professionnelles et résidant depuis de nombreuses années à son lieu de travail (arrêt 2C_178/2011 du 2 novembre 2011 consid. 3.4). Sur le plan cantonal, dans un arrêt FI.2003.0025 du 30 juillet 2003, l’ancien Tribunal administratif a confirmé le domicile fiscal à Prilly d’un contribuable célibataire âgé d’une trentaine d’années: celui-ci travaillait dans la région lausannoise depuis trois ans, après avoir fait ses études à Lausanne, et rentrait une fin de semaine sur deux chez ses parents au Tessin, son canton d’origine, avec lequel il prétendait avoir conservé les liens les plus étroits. Dans le même sens, a été confirmé le domicile fiscal à Lausanne d’un ressortissant du canton du Tessin, célibataire, qui, au terme de ses études à l’EPFL et ayant entrepris en vain de trouver un emploi dans la région lémanique, travaillait depuis janvier 2009 comme premier assistant à l’UNIL et avait pris à bail à Lausanne un appartement de deux pièces. Peu importait à cet égard que son contrat de travail soit de durée déterminée et prenne fin au 31 décembre 2011 (arrêt FI.2011.0007 du 24 juin 2011). Concernant un Tessinois ayant étudié et obtenu son doctorat en 2007 à l’EPFL, ayant ensuite travaillé à l’EPFL comme post-doctorant, puis ayant pris un emploi en avril 2009 dans une entreprise spécialisée dans le développement et la commercialisation de logiciels de simulation en robotique mobile, avant de reprendre en août 2011 des activités à l’EPFL, au sein de laquelle il était assuré de pouvoir travailler jusqu’au 31 juillet 2013, le tribunal a considéré que le centre de ses intérêts vitaux se situait indéniablement à Lausanne. Peu importait à cet égard que son contrat de travail avec l’EPFL soit de durée déterminée et prenne fin au 31 juillet 2013, voire dans le meilleur des cas pour lui au 31 juillet 2015 (arrêt FI.2012.0081 du 21 février 2013).
En matière fiscale, il appartient à l’autorité d’établir les faits qui justifient l’assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment. En ce qui concerne le domicile, cela implique qu’il appartient à l’autorité d’apporter les éléments de fait nécessaires pour établir le domicile fiscal déterminant pour l’assujettissement. Selon la jurisprudence, le fait qu’un célibataire exerce une activité lucrative salariée là où il séjourne durant la semaine crée une présomption naturelle qu’il a son domicile fiscal à cet endroit. Cette présomption peut être renversée s’il rentre régulièrement, au moins une fois par semaine, à l’endroit où réside sa famille, avec laquelle il entretient des liens particulièrement étroits et où il a d’autres relations personnelles et sociales. S’il parvient à prouver l’existence de tels liens familiaux et sociaux, il appartient au canton du lieu où le contribuable séjourne pendant la semaine d’établir que celui-ci a des liens économiques et éventuellement personnels avec ce lieu (arrêt 2C_397/2010 du 6 décembre 2010 consid. 2.3; Locher, op. cit., p. 29 et les réf.).
A la lumière des considérations qui précèdent, le Tribunal fait plusieurs constatations dans le cas d’espèce :
La recourante, célibataire, était entrée dans sa trente-deuxième année au 31 décembre 2015. Elle ne se trouve donc plus dans la situation où la fixation de son domicile dépend encore entièrement du lieu où réside sa famille. En effet, la recourante est autonome financièrement; même si elle retourne régulièrement à 1********, chez ses parents, aussi souvent qu’elle le peut, les liens qu’elle entretient avec ceux-ci ne sont par essence plus de la même intensité qu’à l’époque où elle dépendait encore d’eux. Du reste, la recourante a rejoint le personnel du Y.________, à 2********, le 17 février 2008, où elle travaille en qualité de secrétaire. Depuis lors, elle a emménagé dans cette localité, siège du Y.________ (cf. ********]), et loue depuis 2010 un appartement de deux pièces et demi à la rue ********, à proximité du lieu de son travail. Cette circonstance pourrait effectivement démontrer, comme la recourante le soutient, sa volonté de ne pas s’établir à cet endroit plus que cela lui est strictement nécessaire pour l’exercice de son activité lucrative. Il n’en demeure pas moins qu’afin de pouvoir exercer son emploi au Y.________, la recourante est contrainte de ne pas habiter à une distance trop éloignée de 2********, ce qui exclut naturellement qu’elle puisse demeurer à 1********, distante d’environ 230km et de trois heures de train, selon ses explications.
Ainsi, la recourante ne remplit pas seulement l’une des conditions alternatives de la « pratique bâloise » exposée ci-dessus (consid. 4c/bb), mais les deux: célibataire, elle est âgée de plus de 30 ans et réside sur son lieu de travail de manière ininterrompue depuis plus de cinq ans. Dans ces conditions, il existe une présomption naturelle que le son domicile fiscal principal se trouve à 2********.
Pour renverser cette présomption, la recourante expose que le centre de ses intérêts, soit en particulier sa vie affective et sociale, serait demeuré à 1********. La recourante rejoint chaque week-end cette dernière localité où elle a conservé sa chambre dans la maison familiale dont elle deviendra propriétaire – projet qui n’est toutefois pas encore réalisé. La recourante est née dans cette maison de famille et n’a, au demeurant, jamais connu d’autres logements que ceux occupés pour les besoins de l’exercice de sa profession. Selon ses explications, ses parents ont atteint l’âge de septante ans et sa mère souffre de polyarthrite, de sorte qu’elle doit lui apporter l’aide nécessaire dans les travaux domestiques et de jardinage. La recourante ajoute qu’elle a conservé son médecin à 1********, où elle entretient par ailleurs l’essentiel de sa vie sociale et associative. Elle a produit à cet égard des attestations (club de voile, paroisse, amis). La situation de la recourante ne diffère cependant guère de celle du contribuable dont il est question dans l’arrêt 2C_854/2013 du 12 février 2014, déjà cité. Si la recourante entretient des liens étroits avec 1******** où elle rentre chaque fin de semaine et durant les vacances, ces liens ne sont pas considérablement plus intenses que ceux d’une personne célibataire qui passe ses fins de semaine et son temps libre chez ses parents. Sans doute, la recourante aide sa mère lorsqu’elle regagne la maison familiale, mais il n’est pas établi qu’elle soit la seule à lui apporter du soutien. Du reste, la recourante n’allègue nullement qu’en plus des week-ends et des vacances, elle séjournerait à 1******** durant la semaine. Il faut dès lors en déduire que la mère de la recourante parvient à se passer de son aide durant la semaine, lorsque celle-ci travaille à 2********. Dans ces conditions, le soutien que la recourante apporte à sa mère doit être qualifié d’occasionnel (cf. outre l’arrêt 2C_854/2013, déjà cité, arrêts 2C_728/2012 précité consid. 4.1; 2P.171/2005 du 25 janvier 2006 consid. 3.4). Du reste, la recourante perd de vue qu’elle vit en moyenne, si l’on tient compte de quelque cinq semaines de vacances, au moins deux cents jours par an à 2********, partant du principe qu’elle passerait tout son temps libre ailleurs. Or, durant cette période, elle bénéficie, en effectuant les gestes de la vie quotidienne, des infrastructures publiques ******** (dans le même sens, arrêt FI.2012.0081, déjà cité).
Au surplus, les considérations subjectives sont sans pertinence. Sans doute, on n’aura guère de difficultés à admettre que la recourante a conservé des attaches profondes avec le demi-canton de Nidwald, où elle se rend dès qu’elle le peut, selon ses propres déclarations, et où elle retrouve des amis. Cela étant, force est d’admettre que sa situation ne diffère à cet égard pas fondamentalement de celle du confédéré, voire même du travailleur immigré, venu prendre un emploi en un lieu déterminé, parfois loin de chez lui, et qui rentre au pays le plus souvent possible pour y passer le plus clair de son temps libre. S’il est indéniable que les liens affectifs, voire même familiaux, de ce contribuable sont demeurés en ce dernier lieu, ses intérêts vitaux sont, eux, passés au lieu de son travail (v. sur ce point, outre FI.2011.0007 et FI.2003.0025, déjà cités, arrêt FI 2000.0043 du 29 septembre 2000). Il importe peu à cet égard que la recourante n’envisage pas de s’établir, comme elle l’indique, en un lieu où on ne parlerait pas la langue allemande. Dès lors, il appert de ces éléments que l’autorité intimée était fondée à retenir que la recourante s’était bien créé un domicile, déterminant au plan fiscal, à 2******** à compter du 1er janvier 2015. Le but poursuivi par la recourante, soit d’assurer son entretien par son travail à Lausanne, se voit conférer en effet une certaine durabilité puisqu’il perdure depuis 2008. Sa situation n’est ainsi pas comparable à celle d’une jeune personne qui quitte pour la première fois sa famille. Les circonstances invoquées par la recourante ne sont ainsi pas de nature à renverser la présomption évoquée plus haut.
(Arrêt de la CDAP FI.2016.0023 du 11 août 2016)
Me Philippe Ehrenström, avocat, ll.m. (tax), Genève – Yverdon