Il s’agit d’une affaire qui a déjà fait couler beaucoup d’encre (ou de vin) en Suisse romande. Le Tribunal fédéral développe notamment la notion d’avantage appréciable en argent dans une hypothèse société-société mère-actionnaire de la société mère :
Selon l’art. 20 al. 1 let. c LIFD, est imposable au titre de rendement de la fortune mobilière les dividendes, les parts de bénéfice, les excédents de liquidation et tous autres avantages appréciables en argent provenant de participations en tout genre.
Il y a avantage appréciable en argent: 1) lorsqu’une société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante; 2) que cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le ou la touchant de près; 3) qu’elle n’aurait pas été accordée à de telles conditions à un tiers et que 4) la disproportion entre la prestation et la contre-prestation est manifeste, de telle sorte que les organes de la société savaient ou auraient pu se rendre compte de l’avantage qu’ils accordaient.
Selon la jurisprudence, il y a aussi avantage appréciable en argent lorsque des produits qui auraient dû être comptabilisés dans le chef d’une personne morale ne le sont pas, ou que cette dernière renonce à réaliser un revenu en faveur de l’actionnaire ou d’un proche.
Lorsqu’une société anonyme accorde un avantage appréciable en argent à un non-actionnaire qui est cependant actionnaire unique de la société qui détient cette société anonyme, soit sa société mère, la jurisprudence considère qu’il faut apprécier la situation comme si l’actionnaire unique était directement actionnaire de la société distributrice.
La créance fiscale naît sitôt que les faits générateurs prévus par la loi sont réalisés. Elle est en principe irrévocable: ainsi, dès l’instant où une créance fiscale est née, elle ne peut être réduite à néant par une opération destinée à effacer les faits générateurs lui ayant donné naissance. En matière d’impôt sur le revenu, le fait générateur de l’imposition est la réalisation. Il en découle qu’un revenu est imposable (à moins d’être expressément exonéré) lorsqu’il est réalisé. Selon la jurisprudence, tel est le cas lorsqu’une prestation est faite au contribuable ou que ce dernier acquiert une prétention ferme sur laquelle il a effectivement un pouvoir de disposition.
Cette règle est aussi valable sur le principe lorsqu’un revenu prend la forme d’un avantage appréciable en argent. Dans ce contexte toutefois, le moment où les moyens financiers sont prélevés de la société ne peut en règle générale pas être déterminé selon le critère du droit ferme à les recevoir. On se fonde dès lors sur le moment où le détenteur d’une participation exprime clairement sa volonté de retirer tout ou partie de la substance de la société, respectivement sur le moment où cette intention est reconnaissable par les autorités fiscales.
Un avantage appréciable en argent au sens de l’art. 20 al. 1 let. c LIFD représente, du point de vue de la société distributrice, un élément du bénéfice imposable en vertu de l’art. 58 al. 1 let. b dernier tiret LIFD [distributions dissimulées de bénéfice et avantages à des tiers non justifiés par l’usage commercial] ou de l’art. 58 let. al. 1 let. c LIFD [produits non comptabilisés]). Cette figure conduit ainsi à une reprise tant au niveau de l’impôt sur le revenu pour le bénéficiaire de l’avantage qu’à celui de l’impôt sur le bénéfice pour la société distributrice, ce qui concrétise la double imposition économique voulue par le législateur.
En l’espèce,
il ressort des faits constatés dans l’arrêt attaqué que B.X.________ est détenteur économique de X.________ SA par l’intermédiaire de la société holding E.________, dont il est l’unique actionnaire. Il est par ailleurs établi et non contesté par les recourants que des produits ont été soustraits du bénéfice imposable de X.________ SA et transférés sur le compte bancaire dont H.________ était titulaire. Sous l’angle de l’impôt sur le revenu, et en application des principes rappelés ci-dessus, c’est bien à B.X.________, actionnaire unique de la holding détenant X.________ SA, qu’il faut attribuer ces avantages appréciables en argent en application de l’art. 20 al. 1 let. c LIFD. En soustrayant du bénéfice imposable de X.________ SA des produits qui auraient dû être comptabilisés dans le compte de résultat de cette société, le recourant en a retiré une partie de la substance. Il a de ce fait réalisé un revenu sous la forme d’avantages appréciables en argent provenant de X.________ SA à chaque fois qu’il a agi de manière à ce que des produits qui auraient dû apparaître dans les comptes de X.________ SA soient versés à H.________. Dès lors, savoir ce que les recourants ont concrètement fait de ces avantages appréciables en argent n’importe pas. Ainsi, le fait qu’ils en aient réinjecté une partie dans des sociétés du groupe par l’intermédiaire du compte bancaire ouvert au nom de H.________ ne change rien au fait qu’ils ont bien réalisé, de manière irrévocable, un revenu imposable.
Le fait que, sous l’angle de l’impôt sur le bénéfice, ces avantages appréciables en argent représentent des produits soustraits qui doivent être réintégrés au bénéfice imposable de X.________ SA (cette société a du reste fait l’objet d’une procédure de rappel d’impôt de la part du Service cantonal, cf. ci-dessus consid. A.g) n’y change rien. C’est une conséquence de la double imposition économique de la société et du détenteur de parts.
(Arrêt du Tribunal fédéral 2C_445/2015 & 2C_446/2015 du 26 août 2016, consid. 6)
Me Philippe Ehrenström, avocat, ll.m., Genève-Yverdon