Réalisation du revenu : activité indépendante, gain immobilier

L’impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques (art. 16 al. 1 LIFD). Sont en particulier imposables tous les revenus provenant de l’exploitation d’une entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvicole, de l’exercice d’une profession libérale ou de toute autre activité lucrative indépendante (art. 18 al. 1 LIFD ). Il en résulte qu’en vertu des théories de l’accroissement du patrimoine et de l’imposition du revenu global net, tous les revenus périodiques ou uniques sont soumis à l’impôt.

Le revenu n’est imposable que s’il est réalisé. Cette condition essentielle constitue le fait générateur de l’imposition du revenu. La réalisation détermine le point d’entrée de l’avantage économique dans la sphère fiscale du contribuable et, tant que l’avantage économique n’est pas réalisé, il demeure une expectative, non encore imposable.

Selon la jurisprudence, un revenu est réalisé lorsqu’une prestation est faite au contribuable ou que ce dernier acquiert une prétention ferme sur laquelle il a effectivement un pouvoir de disposition. En règle générale, l’acquisition d’une prétention est déjà considérée comme un revenu dans la mesure où son exécution ne paraît pas incertaine. Ce n’est que si cette exécution paraît d’emblée peu probable que le moment de la perception réelle de la prestation est pris en considération (ATF 113 Ib 23 consid. 2e ; 105 Ib 238 consid. 4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_152/2015 du 31 juillet 2015 consid. 4.3 ; 2C_683/2013 du 13 février 2014 consid. 6.4 ; 2C_620/2012 du 14 février 2013 consid. 3.4 ; 2C_351/2010 du 6 juillet 2011 consid. 3).

La créance fiscale prend ainsi naissance ex lege, sans aucune intervention extérieure. Le caractère certain de l’exécution de la prestation ne saurait en revanche dépendre de la seule volonté du contribuable, pas davantage que le moment de la réalisation du revenu. Si tel était le cas, le contribuable pourrait déterminer de son propre chef, en fonction de ses convenances personnelles, à quel moment ce revenu est imposable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_683/2013 précité consid. 6.4).

Il y a donc revenu réalisé, soit imposable, lorsque la recette est encaissée, mais aussi lorsque la prétention ferme à son versement est acquise par le contribuable, selon la méthode de la facturation, sauf pour les indépendants non soumis à comptabilité ou qui n’en tiennent pas, auquel cas la pratique admet la méthode de l’encaissement. En tout état de cause, le contribuable doit se tenir à l’une ou l’autre de ces méthodes.

Les principes qui précèdent sont notamment applicables à la réalisation de bénéfices en capital provenant de l’aliénation d’immeubles. Dans un tel cas, selon la jurisprudence, la conclusion du contrat de vente donne en principe naissance à un droit ferme générateur d’un revenu imposable, dans la mesure où son exécution ne paraît pas incertaine, de sorte qu’il n’y a pas lieu de différer l’imposition d’un tel revenu au moment de l’exécution du contrat par l’aliénateur ni de s’en tenir à la comptabilisation effective du revenu dans les comptes de l’aliénateur, le principe de périodicité devant primer les règles de comptabilisation. Cette règle s’applique de la même manière selon que le projet de construction est achevé ou non au moment de la conclusion du contrat, même si le coût de construction n’est pas encore connu. L’aliénateur est ainsi réputé avoir acquis une créance ferme lors de la conclusion du contrat de vente, le fait que les charges en lien avec celle-ci ne soient pas encore déterminées durant la période en cause n’étant pas pertinent.

En application des principes de la périodicité du revenu imposable et de l’étanchéité des exercices, le contribuable ne peut, à son choix, faire supporter des frais ou des dépenses à un exercice autre que celui durant lequel ils sont intervenus ou qui le concernent, pas plus qu’il n’est autorisé à étaler ses revenus sur plusieurs périodes fiscales ou les attribuer à des exercices autres que ceux au cours desquels ils ont été réalisés. Il appartient ainsi au contribuable d’établir la comptabilité d’une promotion immobilière de manière à ce que l’autorité fiscale puisse déterminer pour chaque période fiscale le revenu brut perçu lors de la vente des lots et la part des frais qui viennent en déduction de ce revenu. La pratique de l’administration consistant à taxer le bénéfice d’une opération immobilière à l’issue d’un exercice déterminé est dès lors plus conforme au principe de la périodicité de l’impôt que celle consistant à repousser la taxation des bénéfices au moment où ils sont effectivement comptabilisés par les contribuables.

Exemple tiré de la pratique :

En date du 23 mars 2005, M. A______ et ses associés ont constitué une servitude d’usage d’énergie pour un poste de transformation, incessible, sur les parcelles au lieu-dit « B______ » en faveur des SIG, moyennant le paiement d’un montant de CHF 119’650.- par ces derniers.

Dès lors qu’il s’agit d’une prétention ferme sur laquelle les intimés ont effectivement un pouvoir de disposition, le revenu tiré de la constitution de la servitude devait pour ce motif déjà être considéré comme réalisé lors de la signature de l’acte en cause, à savoir en 2005, année durant laquelle il devait être comptabilisé et imposé.

Le montant litigieux devait ainsi être comptabilisé et déclaré lors de sa réalisation, à savoir en 2005, et les intimés ne pouvaient attendre 2008, année de la finalisation de la promotion, pour ce faire.

(ATA/332/2016)

About Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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