Contributions d’entretien pour enfants, déductions, barèmes

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L’impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques (art. 16 al. 1 LIFD). Le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 à 33a LIFD (art. 25 LIFD). 

 L’art. 33 LIFD contient une liste de déductions générales que le contribuable peut soustraire de son revenu. Pour sa part, l’art. 34 LIFD prévoit diverses déductions sociales permettant d’adapter (de manière schématique) la charge d’impôt à la situation personnelle et économique particulière de chaque catégorie de contribuables conformément au principe de l’imposition selon la capacité économique. Finalement, l’art. 36 LIFD traite des barèmes d’imposition. 

 Ainsi, conformément à l’art. 33 al. 1 let. c LIFD, sont déductibles du revenu, les contributions d’entretien versées à l’un des parents pour les enfants sur lesquels il a l’autorité parentale, à l’exclusion toutefois des prestations versées en exécution d’une obligation d’entretien ou d’assistance fondée sur le droit de la famille. 

L’art. 33 al. 1 let. g LIFD prévoit pour sa part que sont déduits du revenu, les versements, cotisations et primes d’assurances-vie, d’assurances-maladie, d’assurances-accidents n’entrant pas dans le champ d’application de la let. f (qui a trait aux déductions pour les primes et cotisations versées en vertu de la réglementation sur les allocations pour perte de gain, des dispositions sur l’assurance-chômage et l’assurance-accidents obligatoire), ainsi que les intérêts des capitaux d’épargne du contribuable et des personnes à l’entretien desquelles il pourvoit, jusqu’à concurrence d’un montant global de 3’500 fr. pour les époux vivant en ménage commun (ch. 1) ou de 1’700 fr. pour les autres contribuables (ch. 2).

En outre, l’art. 33 al. 1 let. h LIFD dispose que sont également déductibles du revenu, les frais provoqués par la maladie et les accidents du contribuable ou d’une personne à l’entretien de laquelle il subvient, lorsque le contribuable supporte lui-même ces frais et que ceux-ci excèdent 5 % des revenus imposables diminués des déductions prévues aux art. 26 à 33 LIFD.

A teneur de l’art. 33 al. 1bis let. b LIFD, les déductions prévues à l’art. 33 al. 1 let. g LIFD sont augmentées de 700 fr. pour chaque enfant ou personne nécessiteuse pour lesquels le contribuable peut faire valoir la déduction prévue à l’art. 35 al. 1 let. a ou b LIFD (cf. consid. 4.3 ci-dessous).

Finalement, l’art. 33 al. 3 LIFD prévoit qu’un montant de 10’100 fr. au plus par enfant dont la garde est assurée par un tiers est déduit du revenu si l’enfant a moins de 14 ans et vit dans le même ménage que le contribuable assurant son entretien et si les frais de garde documentés ont un lien de causalité direct avec l’activité lucrative, la formation ou l’incapacité de gain du contribuable.

 En plus des diverses déductions générales de l’art. 33 LIFD présentées ci-dessus, des déductions sociales, qui sont fixées en fonction de la situation du contribuable à la fin de la période fiscale ou de l’assujettissement (cf. art. 35 al. 2 LIFD), sont également déduites du revenu. Le contribuable peut ainsi déduire 6’500 fr. pour chaque enfant mineur ou faisant un apprentissage ou des études, dont le contribuable assure l’entretien; lorsque les parents sont imposés séparément, cette déduction est répartie par moitié s’ils exercent l’autorité parentale en commun et ne demandent pas la déduction d’une contribution d’entretien pour l’enfant selon l’art. 33 al. 1 let. c LIFD. 

 Le barème ordinaire d’imposition est fixé à l’art. 36 al. 1 LIFD. L’art. 36 al. 2 LIFD prévoit un barème réduit, plus favorable, applicable aux époux vivant en ménage commun. Finalement, l’art. 36 al. 2bis LIFD dispose que le barème réduit de l’art. 36 al. 2 LIFD s’applique par analogie aux époux vivant en ménage commun et aux contribuables veufs, séparés, divorcés ou célibataires qui vivent en ménage commun avec des enfants ou des personnes nécessiteuses dont ils assument pour l’essentiel l’entretien. Le montant de l’impôt ainsi fixé est réduit de 251 fr. par enfant et par personne nécessiteuse. 

 Les déductions sociales et les barèmes ont pour but d’adapter – de manière schématique – la charge d’impôt à la situation personnelle et économique particulière de chaque catégorie de contribuables conformément au principe de l’imposition selon la capacité économique de l’art. 127 al. 2 Cst. Ce sont autant d’ajustements légaux de la charge fiscale qui montrent que le législateur fédéral a distingué les catégories de contribuables en fonction de leur capacité économique de façon à établir entre elles et, sous cet angle restreint, une certaine égalité de traitement. 

La réglementation légale en matière de déductions comprend nécessairement un certain schématisme en raison de la multiplicité des situations individuelles à considérer, ce qui est toutefois, de manière générale, compatible avec les principes ancrés à l’art. 127 Cst. Le Tribunal fédéral a retenu à plusieurs reprises qu’il n’est pas réalisable, pour des raisons pratiques, de traiter chaque contribuable de façon exactement identique d’un point de vue mathématique et que, de ce fait, le législateur est autorisé à choisir des solutions schématiques. S’il n’est pas possible de réaliser une égalité absolue, il suffit que la réglementation n’aboutisse pas de façon générale à une charge sensiblement plus lourde ou à une inégalité systématique à l’égard de certaines catégories de contribuables. A cela s’ajoute que les possibilités de comparer les différentes situations restent limitées et qu’en cherchant à résoudre une inégalité, il existe un risque d’en créer de nouvelles.

 Dans l’ATF 133 II 305, le Tribunal fédéral, se fondant sur l’ancienne Circulaire n° 7 du 20 janvier 2000 de l’Administration fédérale des contributions, a jugé que, lorsque l’un des parents verse une pension alimentaire à l’autre, l’assimilation de cette pension aux ressources du parent qui la reçoit aux fins d’entretien de l’enfant désigne ce dernier comme le contribuable qui assure l’entretien de l’enfant. En l’absence de pension alimentaire, le Tribunal fédéral a considéré qu’il convenait de distinguer selon que la garde alternée est d’importance égale ou différente. Lorsque la garde alternée est d’importance inégale, il convient d’accorder la déduction sociale pour enfant et celle pour assurances, qui lui est légalement liée, au parent qui exerce la garde la plus importante, puisque celui-ci subvient par ses propres moyens à la plus grande part de l’entretien de l’enfant. 

 Dans l’ATF 141 II 338, le Tribunal fédéral a jugé que, dans la constellation où les époux divorcés ont l’autorité parentale conjointe, la garde alternée équivalente et où aucune contribution d’entretien n’est versée, il est supposé que le parent qui a le revenu le plus élevé contribue de manière plus importante à l’entretien de l’enfant et ce parent bénéficie du barème réduit. Lorsque cette hypothèse s’avère infondée, car les parents contribuent à l’entretien de l’enfant à parts égales en versant chacun le même montant (à cet égard, seul le jugement de divorce doit en principe être pris en compte), le barème réduit doit être accordé à celui des parents qui a le revenu le plus faible. 

 Dans tous les cas, il convient encore de relever qu’un seul parent, celui qui a l’autorité parentale (complète ou conjointe) et assure le principal de l’entretien de l’enfant par ses propres moyens ou ceux qui lui sont imputés fiscalement, soit la pension alimentaire, a droit aux abattements sociaux (sauf exception de l’art. 35 al. 1 let. a LIFD).            

En l’occurrence,

il ressort de l’arrêt entrepris que le recourant et son ancienne compagne détiennent l’autorité parentale conjointe sur leurs deux enfants. Aucune décision judiciaire n’a été rendue quant à la garde, les relations personnelles et la participation financière et d’entretien de chaque parent, le tribunal compétent ayant ratifié une convention selon laquelle ces questions étaient réglées par les parents entre eux. Selon l’autorité précédente, qui semble se fonder exclusivement sur les déclarations du recourant, celui-ci pratiquait une garde alternée sur ses enfants qui résidaient, sur une période de quatorze jours, six jours chez lui et huit jours chez leur mère. En outre, durant la période fiscale 2016 sous revue, la Cour de justice a retenu que le recourant avait alimenté, à raison de 4’675 fr., le compte commun qu’il détenait avec la mère de ses enfants, destiné au paiement des frais fixes de ceux-ci. Il ressort également de l’arrêt entrepris que le recourant percevait un salaire supérieur à celui de son ancienne compagne, sans autre précision. 

Le recourant ne conteste pas les éléments de faits tels que présentés ci-dessus. Il conteste en revanche l’appréciation juridique qu’en a fait l’autorité précédente. Pour lui, les 4’675 fr. qu’il a versés en 2016 sur le compte commun ne constituaient pas des contributions d’entretien, ces versements démontrant uniquement qu’il contribuait financièrement à l’entretien des enfants de manière prépondérante par rapport à la mère de ceux-ci, notamment en raison de son salaire plus élevé. Partant de cette absence de versement de contributions d’entretien, le recourant est d’avis qu’il a droit à deux fois 3’250 fr. de déductions sociales au sens de l’art. 35 al. 1 let. a LIFD, à la moitié des déductions prévues à l’art. 33 al. 1, 1bis et 3 LIFD et à l’application du barème pour personne célibataire avec enfants à charge de l’art. 36 al. 2bis LIFD.

 Le premier élément à déterminer est le fait de savoir si le recourant, par le versement de 4’675 fr. sur le compte commun qu’il possède avec la mère de ses enfants, en faveur de ceux-ci, s’est acquitté d’une contribution d’entretien au sens de l’art. 33 al. 1 et. c LIFD. 

A ce propos, contrairement à ce que considère en premier lieu l’autorité précédente, ces versements ne sauraient être considérés comme une telle contribution. En effet, il ressort des faits figurant dans l’arrêt entrepris que ces versements ont été effectués sur un compte commun, auquel les deux parents ont accès. Or, l’art. 33 al. 1 let. c LIFD dispose que les contributions d’entretien doivent être versées à l’un des parents pour les enfants sur lesquels il a l’autorité parentale. Ce versement donne à la personne qui l’effectue la possibilité de déduire le montant correspondant de son revenu, en application de l’art. 33 al. 1 let c LIFD. Il a en outre pour conséquence une taxation au titre du revenu auprès de la personne qui en est bénéficiaire, conformément à l’art. 23 let. f LIFD. Un tel système, dit de concordance, exclut que le versement soit effectué sur un compte sur lequel la personne qui demande la déduction pour contributions d’entretien bénéficie d’un libre pouvoir de disposition. Cela permettrait au contribuable de verser un montant, de bénéficier d’une déduction fiscale, puis de reprendre ce montant et d’en disposer librement.

Par conséquent, dans la présente cause, puisque le recourant ne s’acquitte d’aucun montant en faveur de ses enfants en mains de la mère de ceux-ci, les 4’675 fr. versés sur le compte commun en 2016 ne sauraient être considérés comme une contribution d’entretien au sens de l’art. 33 al. 1 let. c LIFD. Une telle conclusion est d’ailleurs en accord avec le fait qu’aucun jugement, ni convention n’est intervenu entre les parents prévoyant l’obligation, pour le recourant, de s’acquitter d’une telle contribution et qu’en cas de prise en charge alternée des enfants, telle qu’invoquée en l’espèce, les deux parents contribuent à l’entretien en fournissant soins et éducation, de sorte qu’en principe, il s’agit également de partager entre eux la charge des prestations pécuniaires.

 Sur le vu des considérations qui précèdent, on peut retenir qu’en l’espèce, les parents disposent de l’autorité parentale conjointe, ne s’acquittent pas de contributions d’entretien et exercent une garde alternée équivalente sur leurs enfants (le fait qu’il y ait une légère différence entre le nombre de jours de garde de la mère et celui du père n’est pas pertinent pour admettre une garde alternée). On se trouve donc dans une situation de fait semblable à celle ayant prévalu dans l’ATF 141 II 338. 

Seul reste donc litigieux le point de savoir si le recourant contribue de manière plus importante à l’entretien des enfants que la mère de ceux-ci, faute de quoi, bénéficiant d’un salaire plus élevé, il ne pourrait prétendre au barème de l’art. 36 al. 2 bis LIFD. A ce propos, le recourant affirme que le fait de s’être acquitté d’un montant de 4’675 fr. sur le compte commun démontre qu’il contribue de manière plus importante à l’entretien des enfants que la mère de ceux-ci. Il ne saurait toutefois être suivi. En effet, tout d’abord, il convient de rappeler que ce montant a été versé sur un compte commun et que rien n’indique qu’il ait effectivement été utilisé pour l’entretien des enfants. Le seul motif du versement, en l’occurrence “contribution entretien des enfants”, n’est pas suffisant à prouver cet entretien. Ensuite, et alors que le recourant supporte l’absence de preuve des faits tendant à réduire le montant de la dette fiscale, il n’a en rien démontré que le montant en cause avait été versé pour acquitter des dépenses nécessaires à l’entretien des enfants. La Cour de justice a justement mentionné à ce propos que le recourant n’avait pas produit de pièces pertinentes pour la période fiscale sous revue. 

 Compte tenu des considérants qui précèdent, on doit retenir que le recourant, percevant un revenu plus élevé que celui de la mère de ses enfants, ne saurait bénéficier du barème de l’art. 36 al. 2 bis LIFD, ni des déductions prévues à l’art. 33 LIFD, pour lesquelles, selon l’arrêt entrepris, aucun moyen de preuve pertinent n’a été produit. Cette solution, tel que cela a déjà été présenté ci-avant, n’est en aucun cas contraire au principe découlant de l’art. 127 Cst., si bien que sur ces éléments, l’arrêt contesté doit être confirmé. 

En revanche, faute d’avoir versé des contributions d’entretien durant la période fiscale 2016, déductibles en application de l’art. 33 al. 1 let. c LIFD, le recourant a droit à une demi-déduction sociale pour chacun de ses deux enfants, tel que cela est prévu par l’art. 35 al. 1 let. a LIFD. Cette disposition n’a pas été envisagée par la Cour de justice, qui a faussement nié tout droit à une demi-déduction.

 Partant, le recours en matière de droit public doit être partiellement admis dans cette dernière mesure, en tant qu’il concerne l’impôt fédéral direct pour la période fiscale 2016. Il est rejeté pour le surplus. 

 En matière d’impôts cantonal et communal, l’art. 9 al. 2 let. c, g et h LHID, respectivement les art. 32 et 33 de la loi genevoise du 27 septembre 2009 sur l’imposition des personnes physiques (LIPP/GE; RSGE D 3 08) correspondent à l’art. 33 al. 1 let. c, g et h LIFD, si bien qu’en ce qui concerne ces dispositions, il convient de se référer de manière générale aux développements qui précèdent, relatifs à l’IFD. 

 S’agissant en revanche de la question du barème (cf. art. 1 al. 3 LHID), les cantons restent compétents. Dans le canton de Genève, l’art. 41 al. 3 LIPP/GE a une teneur pratiquement identique à celle de l’art. 36 al. 2bis LIFD, si bien qu’il n’est à tout le moins pas arbitraire d’en faire une application semblable et de refuser au recourant l’application du barème réduit. 

 Finalement, quant à la question des déductions sociales, l’art. 9 al. 3 LHID prévoit que les déductions pour enfants et autres déductions sociales de droit cantonal sont réservées. Ainsi, dans le canton de Genève, pour la période fiscale 2016, l’art. 39 al. 1 LIPP/GE dispose qu’est déduit du revenu net annuel 10’000 fr. pour chaque charge de famille (let. a) et 5’000 fr. pour chaque demi-charge de famille (let. b). Lorsqu’une personne est à charge de plusieurs contribuables, la déduction est répartie entre ceux-ci. L’art. 39 al. 2 let. a LIPP/GE prévoit que constituent des charges de famille chaque enfant mineur sans activité lucrative ou dont le gain annuel ne dépasse pas 15’333 fr. (charge entière) ou 23’000 fr. (demi-charge), pour celui des parents qui en assure l’entretien. 

En l’occurrence, si l’on peut comprendre que la Cour de justice n’a pas statué sur les déductions sociales relatives à l’IFD en raison du fait qu’elle a reconnu, certes à tort, que le recourant s’était acquitté de contributions d’entretien (art. 33 al. 1 let. c LIFD), on peine à comprendre pourquoi elle n’a pas examiné cette question sous l’angle des impôts cantonal et communal, dans la mesure où la disposition légale topique, au contraire de l’art. 33 al. 1 let. c LIFD, ne semble pas prévoir d’exception au partage de la déduction sociale lorsque les parents sont séparés. Le recourant invoque d’ailleurs à juste titre une application arbitraire du droit cantonal à ce propos. Il convient par conséquent d’admettre le recours en matière de droit public, en tant qu’il a trait à la déduction sociale des impôts cantonal et communal de la période fiscale 2016, de renvoyer la cause à l’autorité précédente sur ce point et de rejeter le recours pour le surplus.

(Arrêt du Tribunal fédéral 2C_380/2020 du 19 novembre 2020)

Me Philippe Ehrenström, LL.M. (Tax), avocat, Genève et Onnens (VD)

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Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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