Coronavirus et personnes morales: amortissements, provisions, exercices

Insecte

Aux termes de l’art. 57 LIFD, l’impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net.

Selon l’art. 58 al. 1 LIFD, le bénéfice net imposable comprend notamment le solde du compte de résultats (let. a), ainsi que tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultats, qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial (let. b). Au nombre de ces prélèvements figurent les amortissements et les provisions qui ne sont pas justifiés par l’usage commercial (let. b 2ème tiret).

Le droit fiscal renvoie au droit comptable pour déterminer le bénéfice net imposable (principe de l’autorité du bilan commercial). Les comptes établis conformément aux règles du droit comptable lient ainsi les autorités fiscales, à moins que des normes impératives du droit commercial ne soient violées ou que des normes fiscales correctrices ne l’exigent.

L’art. 62 al. 1 LIFD prévoit que les amortissements des actifs justifiés par l’usage commercial sont autorisés, à condition que ceux-ci soient comptabilisés ou, à défaut d’une comptabilité tenue selon l’usage commercial, qu’ils apparaissent dans un plan spécial d’amortissements. D’après l’art. 62 al. 2 LIFD, en général, les amortissements sont calculés sur la base de la valeur effective des différents éléments de fortune ou doivent être répartis en fonction de la durée probable d’utilisation de chacun de ces éléments.

Selon la jurisprudence, un amortissement – qui constitue en droit fiscal la constatation définitive d’une diminution de valeur d’un actif – est justifié par l’usage commercial dans la mesure où il permet de tenir compte d’une véritable moins-value d’un poste au bilan. En principe, les amortissements sont progressifs; un amortissement unique – on parle alors d’amortissement extraordinaire – est toutefois admissible à titre exceptionnel (cf. ATF 137 II 353 consid. 6.4.1 p. 361 et les références citées).

La provision peut être définie, d’une part, comme l’ensemble des charges et pertes qui, à la date du bilan, sont connues quant à leur origine mais pas quant à leur importance et, d’autre part, comme l’ensemble des engagements et des charges existants déjà à la date du bilan, mais dont le montant et l’échéance ne peuvent être déterminés avec précision et/ou dont l’existence est incertaine (cf. art. 63 LIFD).

Dans les deux cas toutefois, les principes de l’étanchéité des exercices et de la périodicité de l’impôt exigent que l’on rattache l’amortissement et la provision à un exercice comptable particulier. Chaque exercice est en effet considéré comme un tout autonome sans que le résultat d’un exercice puisse avoir une influence sur les suivants, et le contribuable ne saurait choisir au cours de quelle année fiscale il fait valoir les déductions autorisées. Les déductions doivent être demandées dans la déclaration d’impôts de l’année au cours de laquelle les faits justifiant l’octroi des déductions se sont produits ; plus généralement, les deux principes précités impliquent que tous les revenus effectivement réalisés, ainsi que tous les frais engagés durant la période fiscale en cause sont déterminants pour la taxation de cette période.

Qu’en est-il avec l’épidémie de coronavirus, dont on sait qu’elle a commencé en 2019 en Chine, mais qui ne s’est répandue en Europe qu’en 2020 ?

S’il paraît assez évident que les faits et leurs conséquences peuvent être reliés à l’exercice 2020, peuvent-ils l’être aussi à l’exercice 2019, ce qui permettrait de passer des amortissements et provisions sur une année plus « saine » et profitable que (très vraisemblablement) 2020 ?

On peut en tout cas soutenir que l’extension de l’épidémie était prévisible déjà avant qu’elle n’ait lieu en Europe. On peut aussi recourir aux art. 960a al. 4 et 960e al. 3 ch. 4 CO en vue de passer des amortissements et/ou de constituer des provisions en vue de garantir la prospérité à long terme de l’entreprise. Ces amortissements et/ou provisions ne sont généralement pas considérés comme justifiées par l’usage commercial, mais certains cantons ont déjà annoncé qu’ils les accepteraient en lien avec la crise du covid-19 (Argovie, Thurgovie, Valais et Zoug), alors que d’autres ont dit qu’ils les refuseraient (St Gall et Schwyz). La question mérite en tout cas d’être débattue avec les autorités fiscales cantonales en lien avec l’exercice 2019.

A titre d’exemple, le Service cantonal des contributions valaisan a édicté (« Provision extraordinaire ») que les « (…) entreprises valaisannes ayant subi directement et indirectement les conséquences négatives liées à l’épidémie de coronavirus (COVID-19) pourront constituer exceptionnellement sur l’exercice comptable 2019, une provision de 50% du revenu net de l’activité lucrative indépendante (PP) ou du bénéfice net (PM) mais limitée au maximum à CHF 300’000. Cette provision sera ensuite dissoute sur l’exercice comptable 2020. »

(Cf. pour le canton du VS:  https://www.vs.ch/web/communication/detail?groupId=508074&articleId=7034419&redirect=https%3A%2F%2Fwww.vs.ch%2Fweb%2Fscc%2Faccueil%3Fp_p_id%3Dcom_liferay_asset_publisher_web_portlet_AssetPublisherPortlet_INSTANCE_SrH1WXwWqrEy%26p_p_lifecycle%3D0%26p_p_state%3Dnormal%26p_p_mode%3Dview)

Me Philippe Ehrenström, LL.M. (Tax), avocat, Genève et Onnens (VD)

About Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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