L’art. 6 al. 1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’impôt fédéral direct (LIFD ; RS 642.11) prévoit que l’assujettissement fondé sur un rattachement personnel est illimité; il ne s’étend toutefois pas aux entreprises, aux établissements stables et aux immeubles situés à l’étranger. Les articles 6 al. 1 de la loi vaudoise du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux (LI; RS-VD 642.11) et et 5 al. 1 de la loi genevoise du 27 septembre 2009 sur l’imposition des personnes physiques (LIPP ; RS-GE D 3 08) ont un contenu similaire. La loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID; RS 642.14) règle l’assujettissement à raison du rattachement personnel en son art. 3 mais ne contient pas de disposition relative à l’étendue de cet assujettissement. Ce nonobstant, dans la mesure où la quasi-totalité des cantons ont repris de manière « autonome » le texte de l’art. 6 al. 1 LIFD, les mêmes règles et principes devraient être appliqués aux impôts fédéraux, cantonaux et communaux.
Cette exemption inconditionnelle des immeubles sis à l’étranger se comprend toutefois sous réserve de progressivité. En d’autres termes, l’autorité doit tenir compte des éléments non imposés pour le taux, afin de ne pas avantager, par exemple, le contribuable dont les biens seraient répartis sous plusieurs souverainetés fiscales différentes et qui pourrait ainsi modérer les effets de la progressivité des taux. La réserve de progressivité garantit également une imposition respectant la capacité économique du contribuable.
Le système d’exemption sous réserve de progressivité exige que le revenu net et la fortune nette immobiliers soient précisément répartis entre la Suisse et l’étranger.
Lorsque l’immeuble fait partie de la fortune privée, la répartition est effectuée en grande partie de manière objective (seule exception : répartition proportionnelle des intérêts passifs), ce qui signifie que le rendement immobilier est attribué de manière objective à l’Etat du lieu de situation étranger. Il en va de même des frais d’acquisition du rendement immobilier. Il s’agit des frais d’entretien (c’est-à-dire des frais de réparation et ceux qui maintiennent la valeur de l’immeuble, à l’exclusion de ceux qui en augmentent la valeur), des frais de remise en état d’immeubles acquis récemment, de frais d’administration par des tiers, de frais d’exploitation (ou charges courantes), des contributions causales (taxes poubelles, etc.), des investissements destinés à économiser l’énergie, etc.
Un éventuel excédent de frais d’acquisition du revenu étranger ne peut pas être porté en déduction des revenus attribués à la Suisse ; il est cependant pris en considération pour fixer le taux d’imposition. En effet, du moment que l’assujettissement fondé sur un rattachement personnel en Suisse ne s’étend pas aux rendements (positifs) des immeubles situés à l’étranger, il est cohérent que les résultats négatifs ne puissent être déduits lors de la détermination de l’assiette imposable en Suisse.
Les intérêts passifs sont répartis proportionnellement, en fonction des actifs bruts localisés, mais un excédent d’intérêts passifs étranger ne doit pas être supporté par la Suisse (ATF 140 II 141 consid. 4 et 5).
L’art. 6 al. 3, 3e phrase prescrit que les pertes subies à l’étranger (hors établissement stable) ne doivent être prises en considération en Suisse que pour la détermination du taux de l’impôt. Le montant de ces pertes est fixé selon le droit suisse. Cette notion inclut ainsi notamment un excédent d’intérêts passifs ; un tel excédent n’est pris en considération que pour la détermination du taux d’imposition. Le refus de déduire les pertes étrangères ne viole pas l’ALCP, ni le principe de la capacité contributive ou le droit à l’égalité de traitement par rapport aux contribuables propriétaires d’un immeuble dans un autre canton pour qui un éventuel excédent de frais d’acquisition du rendement immobilier doit être supporté par le canton du domicile fiscal principal.
(Voir notamment : ATF 140 II 157 ; 140 II 141 ; VD : FI.2014.0081 CDAP, 16.07.2015 ; CR LIFD (2e éd.) – PASCHOUD/DE VRIES REILING, art. 6 LIFD, N 29h-29i, 35-36)
Me Philippe Ehrenström, avocat, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon