Demeure uniquement litigieuse la demande de remise de l’ICC 2008 dont l’autorité intimée a été saisie en mai 2012.
Aux termes de l’art. 231 al. 1 de la loi vaudoise du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux (LI ; RSV 642.11), l’ACI peut accorder une remise totale ou partielle des impôts, intérêts compensatoires et intérêts de retard, rappels d’impôts et amendes, lorsque leur paiement intégral frapperait trop lourdement le contribuable en raison de pertes importantes ou de tous autres motifs graves (al. 1). La demande de remise, motivée par écrit et accompagnée des preuves nécessaires, doit être adressée à l’autorité de taxation. Celle-ci, après avoir consulté l’autorité communale, donne son préavis à l’ACI qui prend la décision (al. 2). La décision de l’ACI est communiquée à l’autorité communale (al. 3). La procédure de remise est gratuite. Cependant, les frais peuvent être mis à la charge du requérant, en totalité ou partiellement, si sa demande est manifestement infondée (al. 4). La compétence d’octroyer une remise peut être déléguée aux Offices d’impôt de district ou à l’Office d’impôt des personnes morales (al. 5).
Même si la teneur de cette disposition n’est pas identique à l’art. 167 de la loi fédérale 14 décembre 1990 sur l’impôt fédéral direct (LIFD ; RS 642.11) qui traite de la remise de l’IFD, on peut s’inspirer de la disposition fédérale dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 2016 et son ordonnance sur les demandes en remise d’impôt pour l’interprétation de la notion de “pertes importantes ou de tous autres motifs graves” (cf. dans ce sens, arrêts FI.2015.0139 du 2 mai 2016 consid. 3b et FI.2015.0036 du 8 janvier 2016 consid. 2c). En effet, le droit fédéral de la remise d’impôt a récemment été modifié. Conformément à l’art. 207d al. 2 LIFD qui traite du droit transitoire, il convient en l’occurrence de se référer aux dispositions en vigueur jusqu’au 31 décembre 2015, parmi lesquelles, l’ancien art. 167 LIFD.
Afin de garantir l’égalité de traitement, au sens de l’art. 8 Cst., la remise doit rester exceptionnelle. En conséquence, elle n’est accordée qu’en présence de circonstances spéciales. Il découle de la formulation potestative des art. 231 al. 1 LI et 167 LIFD que le contribuable n’a pas droit à une remise d’impôt. Cette norme laisse en outre un important pouvoir d’appréciation à l’autorité compétente.
Le recourant invoque en premier lieu une situation de dénuement qui justifierait l’octroi d’une remise d’impôt.
Le premier motif d’une remise – l’existence d’une situation de dénuement – est concrétisé aux art. 9 al. 1 et 10 de l’ordonnance sur les demandes en remise d’impôt. Il y a dénuement lorsque le paiement de l’entier du montant dû représenterait pour le contribuable un sacrifice disproportionné par rapport à sa capacité financière; pour les personnes physiques, il y a disproportion lorsque la dette fiscale ne peut pas être payée intégralement dans un avenir plus ou moins rapproché, bien que le train de vie du contribuable ait été ramené au minimum vital (art. 9 al. 1). L’art. 10 al. 1 fait état de certaines des causes pouvant conduire à une situation de dénuement, comme une aggravation sensible de la situation économique du contribuable depuis la taxation faisant l’objet d’une demande en remise, en raison d’un chômage prolongé, de lourdes charges familiales ou d’obligations d’entretien (let. a), un surendettement important dû à des dépenses extraordinaires qui ont leur origine dans la situation personnelle du contribuable et pour lesquelles il n’a pas à répondre (let. b), les pertes commerciales ou pertes de capital élevées, pour les contribuables de professions indépendantes et les personnes morales, lorsque cet état de fait met en danger l’existence économique de l’entreprise et des emplois; en règle générale, une remise ne sera cependant accordée que si les autres créanciers de même rang renoncent également à une partie de leurs créances (let. c), des frais de maladie élevés non couverts par des tiers, ainsi que d’autres frais liés à la santé pouvant mettre le contribuable dans une situation de dénuement (let. d). Si le surendettement est dû à d’autres motifs que ceux évoqués ci-dessus, tels que, par exemple, des affaires peu florissantes, des engagements par cautionnement, des dettes hypothécaires élevées et des dettes fondées sur le petit crédit, conséquence d’un niveau de vie excessif, etc., la Confédération ne saurait renoncer à ses prétentions légales au bénéfice d’autres créanciers; lorsque des créanciers renoncent à tout ou partie de leurs créances, une remise peut être accordée dans les mêmes proportions (art. 10 al. 2 de l’ordonnance sur les demandes en remise d’impôt).
En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le recourant, né en 1949, a travaillé dès septembre 1998 en qualité de directeur général de la société ********. A compter de janvier 2001, il a également travaillé pour le compte de la société ********. Au mois d’août 2008, le recourant s’est vu résilier son contrat de travail.
Selon ses déclarations d’impôt 2008, 2009 et 2010, le recourant a perçu un revenu de plus de 600’000 fr. durant sa dernière année de travail. En 2009 et 2010, il affichait une fortune de plus de 560’000 francs. Suite à son licenciement, le recourant n’a pas retrouvé de travail. En février 2009, il a touché l’avoir LPP d’un montant de 535’400 fr. correspondant à une rente annuelle de 29’522 fr. s’agissant de l’emploi auprès de ********, et l’avoir de sortie LPP, d’un montant de 26’339 fr. 20, correspondant à une rente annuelle de 1’511 fr. s’agissant de l’emploi auprès de ********. Il a perçu des prestations de l’assurance-chômage du mois de septembre 2008 au mois d’août 2010. En 2009, selon la décision de taxation du 15 avril 2011, le revenu net imposable total du recourant s’est élevé à 14’528 fr., compte tenu de l’indemnité pour perte de gain de l’assurance-chômage obtenue d’un montant de 78’022 francs. En 2010, selon la décision de taxation du 26 janvier 2012, le revenu net imposable total du recourant s’est élevé à 8’744 fr., compte tenu de l’indemnité pour perte de gain de l’assurance-chômage obtenue d’un montant de 56’123 francs. En 2011, le recourant n’a pas eu de revenu imposable puisqu’il est arrivé au terme de son droit au chômage. Il a dû, depuis lors, puiser dans son épargne, soit notamment dans le solde de sa LPP Suisse. Le recourant est retourné vivre en Suède en novembre 2011.
S’agissant de sa situation économique actuelle, le recourant allègue successivement une série de montants qu’il percevrait à titre de rente, parfois en monnaie suisse, parfois en monnaie suédoise, ce sans offrir de preuve pour étayer ses propos. Cet exposé confus ne permet pas de déterminer le montant effectif de ses revenus. Il indique, par exemple, en page 2 de son recours, vivre uniquement de ses rentes, à savoir un montant mensuel net de 2’100 francs. En page 3, il explique recevoir annuellement 368’081 SEK de sa caisse de pension, 66’161 SEK de l’AVS suisse et 2’100 fr. par mois de pensions suédoises. Dans sa réplique, le recourant allègue réaliser un revenu mensuel net de 3’500 fr. composé de 1’421 fr. provenant sa caisse de pension Axa Winterthur, 287 fr. de son AVS suisse et 1’805 fr. de sa pension suédoise.
Dans son recours, le recourant indique en outre qu’un impôt de 50% est prélevé sur ses revenus par les autorités suédoises. Dans sa réplique, il explique que l’AVS suisse et les rentes suédoises sont imposées à hauteur de 55% en Suède et que la rente de sa caisse de pension suisse est imposée à hauteur de 55% ou 60%. En plus de varier dans ses allégations, le recourant ne produit aucune décision de taxation de sorte que cet impôt suédois ne pourra être déduit des montants nets allégués.
Dans sa décision, l’ACI se réfère pour sa part au revenu calculé par le Tribunal administratif fédéral dans son arrêt du 26 octobre 2016. Dans sa réponse au recours, l’autorité intimée précise que si l’on se réfère aux montants allégués par le recourant dans son recours, soit 368’081 SEK par an de sa caisse de pension, 66’161 SEK par an de l’AVS suisse et 2’100 fr. par mois de pensions suédoises, son revenu mensuel net serait de 6’268 fr. L’ACI parvient ainsi à un résultat quelque peu inférieur au montant calculé par le Tribunal administratif fédéral dans son arrêt où il retenait le revenu mensuel brut.
En l’absence d’indication claire du recourant sur les raisons pour lesquelles ce calcul du revenu mensuel net de 6’268 fr. serait erroné, il sied de se rallier au revenu retenu par l’autorité intimée.
S’agissant des charges, aucune indication n’est fournie dans le recours à ce sujet. Dans sa réplique, le recourant indique payer un montant de 1’390 fr. à titre de loyer, et 12 fr. – ou 300 fr. – à titre de prime d’assurance maladie, sans, une fois encore, apporter de preuve. L’autorité intimée, quant à elle, se réfère aux charges retenues par le Tribunal administratif fédéral dans son arrêt du 26 octobre 2016. Elle constate ainsi que le recourant disposerait d’un avoir disponible de 1’000 fr. par mois. Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique et doit être confirmé.
L’extrait de l’année 2016 du compte bancaire du recourant laisse en outre apparaître une fortune de 219’717 SEK (soit environ 26’220 fr. au 7 août 2017). Bien que le recourant indique que ce montant servirait à payer ses impôts de l’année 2016 et les intérêts hypothécaires, il sied de constater qu’à ce jour, il lui reste encore des économies.
Dans ce contexte, il est inexact de soutenir que le paiement de l’ICC 2008 entraînerait des conséquences très rigoureuses pour lui. Partant, le recourant ne se trouve pas dans une situation de dénuement au sens prévu par la LI.
Le recourant allègue rencontrer des problèmes de santé qui se seraient aggravés en 2015 suite à deux arrêts cardiaques. Il indique avoir été dans le coma et s’être fait installer un pacemaker le 7 avril 2015. Il connaîtrait depuis lors des troubles de mémoires et des difficultés à se concentrer qui rendraient impossible – malgré la retraite – la recherche d’un nouveau travail.
Les problèmes de santé sont un aspect à prendre en compte lors de l’examen des conditions d’octroi de la remise d’impôt (art. 10 al. 1 de l’ordonnance). Cela étant, le recourant n’offre aucune preuve à l’appui de ses allégations. Il n’explique pas d’avantage en quoi ses problèmes de santé prétériteraient sa situation économique en raison d’éventuelles charges médicales particulières. On ne voit dès lors pas en quoi sa situation médicale devrait avoir un impact sur les conditions de remise de l’impôt.
Le recourant estime qu’il faut tenir compte du fait qu’il appartiendrait à son ancien employeur de régler ses impôts, en vertu d’un accord oral intervenu entre les parties. Il explique que, suite à son licenciement, il a ouvert action devant les autorités prud’hommales du Canton de Genève afin de réclamer le paiement de diverses prétentions salariales et de ses impôts demeurés impayés par son employeur.
Par arrêt du 31 octobre 2011, la Cour de justice du Canton de Genève a confirmé le jugement rendu par le Tribunal des prud’hommes en ce sens que le recourant n’est pas parvenu à démontrer que son ancien employeur restait débiteur envers lui de montants dus à titre d’impôt. Au contraire, la Cour a retenu que c’est bien l’ex-employeur qui était créancier des montants versés à l’ACI sans fondement, en lieu et place de l’employé. Par conséquent, cette créance pouvait, selon la Cour, légitiment être opposée par l’ancien employeur en compensation avec celle qu’il a admis rester à devoir à son ancien employé à titre de salaire.
Le recourant critique cette appréciation retenue par les juridictions civiles, qu’il estime être en partie responsable de son dénuement. Il perd de vue que ce qui importe en l’occurrence c’est que les impôts de l’année 2008 n’ont été acquittés ni par l’ancien employeur, ni par le recourant, de sorte que cette somme reste due à l’ACI. L’éventuel accord interne allégué par le recourant qui n’aurait pas été respecté par son ancien employeur ne saurait d’aucune manière fonder un motif de remise d’impôt. En tout état de cause, les décisions judiciaires rendues par la justice civile sont aujourd’hui entrées en force et ne peuvent plus être contestées de sorte que cet argument tombe à faux.
A l’inverse de ce que retient l’autorité intimée dans sa décision, le recourant indique qu’il n’a actuellement plus d’autres créanciers que l’ACI et que, par conséquent, une remise de l’ICC 2008 assainirait durablement sa situation économique. Or, il oublie qu’il est débiteur des intérêts hypothécaires de l’appartement qui appartient à son ex-épouse. Il importe peu de savoir que cette dette hypothécaire soit en fait une « promesse d’aider l’ex épouse » sans revenus. Il omet aussi de mentionner le crédit lombard, pourtant allégué dans son recours devant le Tribunal administratif fédéral et retenu par celui-ci dans son arrêt du 26 octobre 2016. Enfin, tel que justement relevé par l’ACI dans sa réponse au recours, le recourant est également redevable de l’IFD 2008 d’un montant de 55’840 fr. 50. Ses autres créanciers n’ayant pas abandonné leurs dettes, on ne saurait exiger de l’ACI qu’elle remette l’impôt.
Enfin, le recourant semble se plaindre du fait que l’Office d’impôt ait refusé d’échelonner le paiement de la dette d’impôts. Cependant, à la lecture du courrier du 14 décembre 2015 dudit Office, on comprend que l’offre émise par le recourant de s’acquitter d’un montant de 2’000 fr. par an est largement insuffisante par rapport aux créances dues à l’Office. Le recourant ne peut donc s’en prendre qu’à lui-même si l’Office d’impôt a refusé d’échelonner les paiements.
Au vu de ce qui précède, l’autorité intimée n’a pas abusé de son pouvoir d’appréciation en refusant d’octroyer une remise d’impôt au recourant.
(Arrêt FI.2017.0005 de la CDAP du 29.08.2017)
Me Philippe Ehrenström, avocat, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon