Aux termes de l’art. 25 LIFD, le revenu net se calcule en défalquant du total des revenus imposables les déductions générales et les frais mentionnés aux art. 26 à 33a LIFD.
Selon l’art. 27 al. 1 et 2 let. c LIFD, les contribuables exerçant une activité lucrative indépendante peuvent déduire les frais qui sont justifiés par l’usage commercial ou professionnel, dont notamment les versements à des institutions de prévoyance en faveur du personnel de l’entreprise, à condition que toute utilisation contraire à leur but soit exclue. Pour sa part, l’art. 33 al. 1 let. d LIFD dispose que sont déduits du revenu les primes, cotisations et montants légaux, statutaires ou réglementaires versés à l’assurance-vieillesse et survivants, à l’assurance-invalidité et à des institutions de la prévoyance professionnelle.
L’art. 27 al. 2 let. c LIFD concerne la “part employeur” que l’indépendant verse pour lui et ses employés selon le plan de prévoyance, alors que l’art. 33 al. 1 let. d LIFD a trait aux versements de la “part employé”.
En rapport avec l’art. 27 al. 2 let. c LIFD, l’art. 81 al. 1 LPP prévoit d’ailleurs que les cotisations versées par les employeurs aux institutions de prévoyance et les contributions destinées aux réserves de cotisations d’employeur de même que celles qui sont prévues à l’art. 65e LPP sont considérées comme des charges d’exploitation en matière d’impôts directs perçus par la Confédération, les cantons et les communes. En rapport avec l’art. 33 al. 1 let. d LIFD, l’art. 81 al. 2 LPP dispose quant à lui que les cotisations que les salariés et les indépendants versent à des institutions de prévoyance, conformément à la loi ou aux dispositions réglementaires, sont déductibles en matière d’impôts directs de la Confédération, des cantons et des communes.
Dans la mesure où les statuts ou les règlements de l’institution de prévoyance le prévoient expressément, l’employeur peut verser, en sus des contributions ordinaires au fonds de prévoyance, des contributions extraordinaires uniques dans le but de racheter des années de cotisation des employés ou afin d’alimenter un fonds de réserve ou les moyens à la libre disposition de l’institution de prévoyance. Tant le financement que la mise en oeuvre de la prévoyance obligatoire et surobligatoire doivent être fixés à l’avance dans les statuts et les règlements selon des critères schématiques et objectifs et respecter, en particulier, les principes d’adéquation, de collectivité (solidarité), d’égalité de traitement, de planification ainsi que d’assurance. Dans la même mesure que l’employeur, l’employé peut également s’acquitter de contributions de rachat. Ce financement doit aussi être fixé à l’avance selon les mêmes critères schématiques et objectifs et respecter les mêmes principes que ceux cités ci-dessus.
L’art. 1 al. 3 LPP dispose notamment que le Conseil fédéral précise les notions d’adéquation, de collectivité, d’égalité de traitement, de planification et le principe d’assurance.
Sur cette base, celui-ci a arrêté l’art. 1c OPP 2 qui prévoit que le principe de la collectivité est respecté lorsque l’institution de prévoyance ou la caisse de pensions affiliée instituent une ou plusieurs collectivités d’assurés dans son règlement. L’appartenance à un collectif doit être déterminée sur la base de critères objectifs tels que, notamment, le nombre d’années de service, la fonction exercée, la situation hiérarchique, l’âge ou le niveau de salaire (al. 1). Le principe de la collectivité est également respecté lorsqu’une seule personne est assurée dans le plan de prévoyance mais que le règlement prévoit la possibilité d’assurer en principe d’autres personnes. Cet alinéa ne s’applique pas à l’assurance facultative des indépendants au sens de l’art. 44 LPP (al. 2).
Selon la jurisprudence, le principe de collectivité (ou encore de solidarité) est respecté lorsque l’ensemble des salariés d’une entreprise est inclus dans la prévoyance professionnelle. Ce principe s’accommode de l’existence de plusieurs plans de prévoyance établis en fonction de critères objectifs, notamment ceux décrits à l’art. 1c al. 1 OPP 2. Les dispositions réglementaires doivent définir clairement les critères selon lesquels les différents groupes (collectifs) sont formés. Sont en revanche interdits les plans de prévoyance individuelle élaborés pour une seule personne, au sens d’une assurance “à la carte”.
Le Tribunal fédéral a jugé que les actionnaires employés par une société peuvent être inclus dans un plan de prévoyance pour autant qu’ils ne soient pas traités différemment des autres employés ou que des mesures de prévoyance analogues soient octroyées aux autres employés. Un plan de prévoyance complémentaire dont bénéficient les deux seuls actionnaires employés d’une société, à l’exclusion d’un troisième employé dont le salaire ne dépasse pas la limite supérieure du salaire LPP, parce que, selon le règlement de prévoyance, tous les employés, sans exception, sont également assurés dans le cadre de la prévoyance sur-obligatoire dès que leur salaire excède la limite supérieur du salaire LPP, respecte le principe de collectivité (arrêts 2A.554/2006 du 7 mars 2007 consid. 5.3; 2A.404/2001 du 20 mars 2002 consid. 2.3.4, in RF 57/2002 p. 488, RDAF 2004 II 53). L’art. 1c al. 2 OPP 2 concrétise cette jurisprudence (principe de la collectivité virtuelle). Il faut toutefois que l’admission future d’une personne se fonde sur une possibilité réaliste. Chez les employeurs où il n’est pas réaliste qu’une autre personne puisse, dans le futur, remplir les conditions d’une admission (par exemple niveau de salaire ou appartenance aux cadres), les conditions de la collectivité (même virtuelle) ne sont pas remplies.
Comme l’a expliqué le Tribunal fédéral, ce n’est pas parce que le plan de prévoyance respecte formellement le principe de la collectivité que celui-ci est forcément effectif sur le plan matériel (arrêt 2A.404/2001 du 20 mars 2002 consid. 2.3.3). Pour que l’on puisse considérer le principe de la collectivité comme étant respecté, il est donc nécessaire que le plan de prévoyance constitue aussi bien formellement que matériellement un plan collectif.
Dans le cas d’espèce,
On peut relever en 1er lieu qu’en rachetant des cotisations à la prévoyance professionnelle un peu moins de dix ans avant d’atteindre l’âge de la retraite, dans une assurance sur-obligatoire venant d’être constituée, la situation de fait est différente de celle traitée par le Tribunal fédéral dans l’ATF 142 II 399 consid. 4.4 p. 410 s. (où le rachat était intervenu un peu moins de deux ans avant l’âge de la retraite, mais plus de quatorze ans après le divorce; cf. art. 79b al. 3 et 4 LPP). En l’espèce, il ne saurait être question d’un cas d’évasion fiscale (cf. également ATF 142 V 169 consid. 4.2 p. 174 ss). La forme juridique choisie par les recourants ne l’a en effet pas été uniquement dans un but d’économie d’impôts, mais également dans un but de prévoyance. Il convient donc d’examiner dans quelle mesure le principe de la collectivité est respecté.
En l’occurrence, il ne fait pas de doute que le plan de prévoyance en cause, en incluant tous les employés de la société individuelle ayant plus de 45 ans, respecte formellement le principe de la collectivité. Le critère de l’âge est expressément prévu par l’art. 1c al. 1 OPP 2. On doit donc de se demander si, en fixant à 45 ans l’âge d’entrée dans le plan de prévoyance, celui-ci respecte matériellement le principe de collectivité ou si les recourants ont en réalité constitué une assurance “à la carte”, comme l’a jugé le Tribunal cantonal. On ajoutera qu’il n’est pas déterminant de savoir si les déductions en cause ont été effectuées sur la base de l’art. 27 al. 2 let. c LIFD ou 33 al. 1 let. d LIFD, dès lors que le principe de la collectivité doit dans les deux cas être respecté.
En 2007, lors de la conclusion du contrat de prévoyance, les recourants étaient âgés respectivement de 56 et 57 ans. Le recourant avait ainsi encore neuf ans avant d’atteindre l’âge de la retraite et la recourante sept. Quant à elles, les employées du recourant avaient 34 et 37 ans en 2007, ce qui signifie qu’elles devaient encore attendre respectivement onze et huit ans avant de pouvoir être admises dans la collectivité du plan de prévoyance. On constate donc que la plus âgée des employées n’aurait bénéficié qu’environ une année du plan de prévoyance avant que le recourant atteigne l’âge de la retraite, alors que la plus jeune n’aurait jamais pu entrer dans la collectivité. Outre le recourant, seule la recourante a bénéficié du plan de prévoyance depuis 2007.
Dans ces conditions, à l’instar de ce qu’à retenu le Tribunal cantonal, on ne saurait admettre que le principe de la collectivité est matériellement respecté. Certes, il n’est pas exclu, comme l’avancent les recourants, que le recourant continue son activité d’indépendant au-delà de l’âge de la retraite ou qu’à un moment ou un autre, il doive augmenter son équipe ou remplacer une employée. Toutefois, il ne s’agit-là que d’éventualités exclusivement soumises à la volonté du recourant lui-même. En cas de nécessité, rien ne l’empêche au demeurant d’engager une employée qui n’atteindra pas non plus l’âge d’entrer dans le plan de prévoyance avant que lui atteigne l’âge de la retraite ou de renoncer à poursuivre son activité au-delà de cet âge. Le changement de l’âge d’entrée dans le plan de prévoyance (passage de 45 ans à 35 ans en 2010), tend d’ailleurs à démontrer que le plan en vigueur les années en cause était constitué sur mesure pour les recourants, afin qu’ils puissent procéder à des rachats dans un seul but de favoriser leurs avoirs personnels.
Le fait que la recourante no 2, épouse du recourant no 1, soit également son employée et qu’elle soit incluse dans la collectivité ne permet pas pour autant d’admettre que le principe de la collectivité est respecté. En effet, les revenus des époux qui vivent en ménage commun sont additionnés, quel que soit le régime matrimonial (cf. art. 9 al. 1 LIFD). Cela signifie que les éventuelles déductions de rachats d’années d’assurance de la prévoyance professionnelle réduisent le revenu imposable commun des deux époux. En outre, il ne faut pas non plus perdre de vue qu’en cas de décès de l’un des époux, le survivant percevra des prestations issues de la prévoyance professionnelle hors obligatoire conclue avec la fondation. De même, en cas de divorce, l’avoir de prévoyance est en principe partagé par moitié (cf. art. 123 al. 1 CC). Les époux poursuivent donc un but fiscal et de prévoyance commun qui exclut de considérer le plan de prévoyance comme étant collectif lorsque, comme en l’espèce, ils sont les seuls à faire partie de la collectivité. Ainsi, un indépendant qui, à l’instar du recourant, est assuré à titre facultatif et se trouve seul avec sa femme dans une collectivité d’assurés, tombe dans l’exception de l’art. 1c al. 2 phr. 2 OPP 2 et ne saurait invoquer un cas de collectivité virtuelle.
Sur le vu de ce qui précède, on doit retenir avec l’autorité précédente que le plan de prévoyance en cause ne respecte pas le principe de la collectivité. Les déductions effectuées durant les années 2007, 2008 et 2009 au titre de rachats de deuxième pilier ne peuvent donc être admises.
(Arrêt du Tribunal fédéral 2C_745/2016, 2C_748/2016 du 6 février 2017)
Me Philippe Ehrenström, avocat, ll.m. (tax), Genève et Yverdon