On présente souvent les dispositions sur la dénonciation spontanée non punissable comme une sorte d’« amnistie fiscale » helvétique.
C’est évidemment inexact : la dénonciation spontanée permet de ne pas encourir de pénalités en cas de soustraction, dans certaines circonstances bien précises. Elle n’entraîne aucunement que le contribuable serait « pardonné » ou exempté de payer des impôts sur les éléments soustraits, augmentés des intérêts.
A teneur des art. 175 al. 3 LIFD et 56 al. 1 bis LHID, lorsque le contribuable dénonce spontanément et pour la première fois une soustraction d’impôt, il est renoncé à la poursuite pénale (dénonciation spontanée non punissable), à condition:
(a) qu’aucune autorité fiscale n’en ait connaissance;
(b) qu’il collabore sans réserve avec l’administration pour déterminer les éléments de la fortune et du revenu soustraits; et
(c) qu’il s’efforce d’acquitter le rappel d’impôt dû.
La condition de l’absence de connaissance préalable des faits par l’autorité fiscale suppose que celle-ci n’ait pas eu connaissance de l’infraction d’une autre manière, soit par elle-même soit par l’indication de tierces personnes.
L’exigence de la spontanéité fait notamment défaut lorsque le contribuable agit sous la menace de tiers ou que les autorités fiscales sont déjà en train d’enquêter sur son dossier. Cela entraîne que le contribuable ne doit pas être amené à procéder à une déclaration spontanée sous l’emprise d’une crainte fondée quant à l’imminence de la découverte d’une soustraction par l’autorité fiscale.
Le caractère « spontané » de l’annonce a donc été par exemple nié dans le cas de contribuables domiciliés dans le canton de Vaud qui ont produit des éléments près de cinq années après que les autorités fiscales vaudoises aient déjà commencé leur enquête contre eux (arrêt du Tribunal fédéral 2C_476/2014 du 21 novembre 2014).
Le caractère « spontané » a été aussi été nié dans le cas d’un contribuable genevois qui a déclaré des revenus acquis à l’étranger postérieurement à une demande de renseignements de l’administration fiscale cantonale genevoise qui enquêtait déjà sur le dossier (ATA/687/2013).
Si la « dénonciation spontanée non punissable » est admise par l’administration, le contribuable devra payer l’impôt dû sur les éléments imposables rectifiés et les intérêts, mais il ne subira pas de pénalités (on rappellera que, dans le cadre d’une soustraction, les pénalités sont, dans la règle, égales au montant de l’impôt soustrait).
Dans le doute, si le contribuable ignore si les autorités ont eu (ou non) vent d’éléments soustraits, la dénonciation spontanée est généralement utile parce que, même si elle devait être, in fine, écartée car « pas assez spontanée », une bonne collaboration du contribuable dans la procédure de soustraction permet souvent d’aboutir à des pénalités moins élevées.
Il s’agit toutefois d’un exercice pratique qui peut être délicat.
D’abord, comme il s’agit d’un « fusil à un coup », il faut mettre sur la table tous les éléments soustraits, et non pas seulement certains d’entre eux.
Ensuite, il convient d’apporter tous les éléments de faits à l’administration fiscale ou aux administrations fiscales concernée(s) – et en même temps s’il y en a plusieurs qui pourraient être impliquées pour éviter que des demandes de renseignements croisées aboutissement à exclure toute « spontanéité » de la dénonciation.
Il faut enfin rappeler les dispositions sur l’échange automatique de renseignements qui aboutiront à des échanges entre pays concernés début 2018 sur la base de données récoltées en 2017 (selon toute vraisemblance).
Il est dès lors à craindre, pour les contribuables en Suisse, que les éléments soustraits qui sont situés à l’étranger apparaissent en masse sur les « radars » de l’administration dès ce moment.
Le caractère “spontané” de dénonciations en rapport avec l’échange automatique de renseignements pourrait toutefois être refusé dans ce cadre – en effet, les contribuables agiraient alors sous l’empire de la crainte fondée de voir leurs données communiquées aux autorités suisses.
Me Philippe Ehrenström, avocat, ll.m. (tax), Genève-Yverdon