Capital propre dissimulé

Selon l’art. 65 LIFD, les intérêts passifs imputables à la part de capital étranger économiquement assimilable au capital propre font partie du bénéfice imposable des sociétés de capitaux et des sociétés coopératives.

Il peut en effet y avoir un avantage important, pour une société de capitaux, à disposer des fonds nécessaires sous forme de prêt de l’actionnaire plutôt que de fonds propres, puisque les intérêts passifs dus sont déductibles du bénéfice imposable.

Fiscalement, ce procédé n’est toutefois pas admis lorsque le prêt joue économiquement le rôle de fonds propres et qu’ainsi des intérêts passifs déductibles sont payés à l’actionnaire en lieu et place de dividendes (non déductibles) qui ne peuvent l’être.

Ces fonds étrangers sont alors traités comme du capital propre dissimulé et les intérêts y relatifs ajoutés au bénéfice imposable.

Le financement étranger est considéré comme économiquement assimilable au capital propre lorsque la société obtient l’apport des fonds en question d’un détenteur de parts ou d’une personne qui lui est proche, qu’elle n’aurait pas pu, par ses propres moyens, obtenir les fonds nécessaires de la part de tiers et qu’elle expose les fonds au risque inhérent à la marche des affaires dans une mesure inhabituelle (cf. RDAF 2007 II 239, Archives 78 p. 216).

L’art. 65 LIFD est une norme correctrice fiscale à rattachement économique. L’existence de capital propre dissimulé doit partant être examinée sous un angle économique et ne requiert plus, comme c’était le cas avant que la question ne soit réglée dans la loi, que les conditions d’une évasion fiscale soient réunies. La notion a donc été objectivée (arrêt 2C_560/2014 du 30 septembre 2015 consid. 2.1.2; 2.1.3 et 3.3.5, in RF 70/2015 p. 992, StE 2016 B 72.14.3. Nr. 1).

L’Administration fédérale des contributions a précisé les éléments révélateurs de capital propre dissimulé au sens de l’art. 65 LIFD dans la Circulaire n° 6 du 6 juin 1997 relative au capital propre dissimulé de sociétés de capitaux et de sociétés coopératives (ci-après: la Circulaire).

Pour établir si et dans quelle mesure une société présente du capital propre dissimulé, la Circulaire prévoit qu’il faut partir de la valeur vénale des actifs et fixe sur cette base les fonds étrangers que la société peut obtenir par ses propres moyens sous la forme d’un tableau. Dans ce tableau, est attribué à chaque catégorie d’actifs un pourcentage de sa valeur vénale représentant le montant maximum que la société pourrait obtenir d’un tiers. La valeur vénale des actifs est présumée correspondre, pour des raisons pratiques, à leur valeur déterminante pour l’impôt sur le bénéfice (soit à leur valeur comptable), mais la société peut prouver qu’elle est plus élevée (Circulaire ch. 2.1).

La présence de capital propre dissimulé suppose que le financement étranger émane de l’actionnaire ou d’un proche. La Circulaire retient à cet égard que « seuls les fonds qui proviennent directement ou indirectement de détenteurs de parts ou de personnes qui leur sont proches peuvent constituer du capital propre dissimulé. Il n’y a pas de capital propre dissimulé si le capital étranger est fourni par des tiers indépendants et que ni les détenteurs de part ni des personnes qui leur sont proches ne le garantissent. Demeure réservée la preuve qu’un rapport concret de financement est conforme aux conditions du marché » (Circulaire ch. 2.1).

En pratique, la problématique du capital propre dissimulé concerne avant tout les prêts accordés directement par l’actionnaire ou un proche, dans une mesure qui excède ce qu’un tiers aurait fourni, cet écart s’expliquant par les liens de participation (cf. Circulaire ch. 1).

L’existence de capital propre dissimulé peut néanmoins se poser lorsqu’un tiers fournit le prêt.

La Circulaire envisage à cet égard deux cas de figure. Dans le premier, le prêt est accordé directement par le tiers, mais indirectement par l’actionnaire ou le proche. Cette situation se présente lorsque le tiers n’intervient que comme un intermédiaire, les fonds provenant en réalité du porteur de parts ou du proche. Dans le second cas de figure, le prêt est accordé par un tiers et est “garanti” par l’actionnaire/le proche. La Circulaire adopte à cet égard une formulation négative en indiquant qu’« il n’y a pas de capital propre dissimulé si le capital étranger est fourni par des tiers indépendants et que ni les détenteurs de parts, ni des personnes qui leur sont proches ne le garantissent » (Circulaire ch. 2.1), étant rappelé que la preuve qu’un rapport concret de financement est conforme au marché reste réservée (Circulaire ch. 2.1 in fine). Lu a contrario, ce passage signifie que la garantie fournie par l’actionnaire ou un proche pour un prêt accordé par un tiers doit être assimilée à un prêt de l’actionnaire ou du proche.

L’assimilation de la garantie fournie par l’actionnaire/le proche à la mise à disposition de fonds par celui-ci est conforme à l’art. 65 LIFD si cette garantie joue économiquement le rôle d’un prêt. Tel peut être le cas si la fortune personnelle de l’actionnaire ou du proche est mise à contribution comme substrat de responsabilité (Haftungssubstrat) en contrepartie du prêt accordé par le tiers. Dans une telle situation, la garantie peut être assimilée à un prêt du proche. La société peut toutefois apporter la preuve que le rapport de financement est conforme au marché (cf. 2.1 in fine).

Par ailleurs, si une société obtient le prêt par ses propres moyens (par exemple par la mise en gage de ses actifs d’une manière conforme au marché), il n’y a en principe pas de capital propre dissimulé, la garantie du proche apparaissant superfétatoire sur le plan économique.

ll découle de ce qui précède que lorsqu’un prêt accordé par un tiers fait l’objet de garanties réelles portant sur des actifs de la société emprunteuse et qu’en sus, l’actionnaire ou un proche est débiteur solidairement responsable du prêt, il faut déterminer dans quelle mesure la garantie personnelle fournie remplit économiquement la fonction de capital propre. Tel peut être le cas lorsque la garantie réelle est insuffisante pour garantir à elle seule le montant du prêt accordé, car en pareille situation, il faut présumer que la part du prêt qui dépasse le montant couvert par la garantie réelle a été accordée en raison de la garantie personnelle fournie par l’actionnaire, la preuve que le financement concret est conforme aux conditions du marché restant réservée.

(Arrêt du Tribunal fédéral 2C_419/2015 du 3 juin 2016, destiné à la publication)

About Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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