Parmi les autres revenus imposable, l’art. 23 let. f LIFD mentionne la pension alimentaire obtenue pour lui-même par le contribuable divorcé ou séparé judiciairement ou de fait, ainsi que les contributions d’entretien obtenues par l’un des parents pour les enfants sur lesquels il a l’autorité parentale. Il s’agit d’une exception au principe de l’exonération prévue par l’art. 24 let. e LIFD pour les prestations versées en exécution d’une obligation fondée sur le droit de la famille, ce que cette dernière disposition précise expressément. De manière concordante, l’art. 33 al. 1 let. c LIFD prévoit la déduction de la pension alimentaire versée au conjoint divorcé, séparé judiciairement ou de fait, ainsi que les contributions d’entretien versées à l’un des parents pour les enfants sur lesquels il a l’autorité parentale, à l’exclusion toutefois des prestations versées en exécution d’une obligation d’entretien ou d’assistance fondée sur le droit de la famille.
Dans l’ATF 125 II 183, le Tribunal fédéral a jugé que les dispositions légales relatives à l’imposition respectivement à la déduction de la pension alimentaire ne s’appliquaient pas lorsque celle-ci était versée sous forme de capital : après avoir rappelé que le code civil autorisait le versement de la pension alimentaire sous forme de rentes périodiques ou de prestation unique de la rente capitalisée, il a relevé que la loi sur l’impôt fédéral direct ne réglait pas ce qu’il adviendrait si le montant de la prestation en capital devait dépasser le revenu imposable global du débiteur et provoquer une perte ne pouvant être reportée sur les périodes fiscales suivantes, de sorte que ce dernier ne pourrait jamais déduire l’intégralité de la prestation alors même que le créancier devrait être imposé intégralement durant la même période fiscale (consid. 5). Laissant ces questions ouvertes, il a souligné que, d’une manière générale, en matière d’impôt fédéral direct, les frais d’entretien du contribuable et de sa famille ainsi que les dépenses affectées au remboursement des dettes ne pouvaient pas être déduits (art. 34 let. a et c LIFD, cf. également l’art. 22 al. 1 let. d de l’ancien arrêté sur l’impôt fédéral direct, qui ne prévoyait pas de déduction des pensions alimentaires perçues par le conjoint), tandis que les prestations versées en exécution d’une obligation fondée sur le droit de la famille étaient exonérées (art. 24 let. e LIFD). L’introduction des art. 23 let. f et 33 al. 1 let. c LIFD, afin de mieux tenir compte de l’imposition selon la capacité économique, faisait ainsi figure d’exception. Au surplus, le versement d’une telle prestation constituait le remboursement non déductible d’une dette résultant de la loi concrétisée par une convention de divorce. Cette solution ne restreignait pas le choix offert par le droit civil, dès lors que les conjoints avaient tout loisir de prendre en considération les conséquences fiscales de l’une ou l’autre solution pour déterminer les montants dus au titre d’aliments et évitait une inégalité de traitement entre le créancier, dans le chapitre duquel la prestation serait imposable à un taux spécial (art. 37 LFD), et le débiteur de celle-ci, qui, si elle était déductible de son revenu, serait intégralement prise en considération dans la fixation du taux d’imposition (consid. 7). Cette jurisprudence a été confirmée en dernier lieu en 2016 (arrêt 2C_746/2015 du 31 mai 2016 consid. 4.1).
Il s’ensuit qu’entrent dans la notion de contributions d’entretien au sens de ces dispositions les contributions d’entretien et de soutien versées de manière régulière ou irrégulière aux fins de couvrir les besoins courants qui n’ont pas pour effet une augmentation de fortune du bénéficiaire. Tel n’est pas le cas des prestations en capital quand bien même elles provoquent une augmentation de la fortune et seraient utilisées ultérieurement à des fins d’entretien.
Dans la plupart des cas, l’autorité fiscale n’a pas de difficulté à déterminer si une contribution d’entretien revêt le caractère d’une prestation périodique ou en capital. S’il n’est pas arbitraire de s’en tenir au dispositif d’un jugement civil, l’existence d’une obligation d’entretien versée sous forme de contribution unique peut aussi découler de l’examen des autres moyens de preuve. Ainsi, en va-t-il, notamment en cas de séparation de fait, des conventions qui reposent sur l’art. 163 CC. Dans la limite de l’art. 27 CC, les époux peuvent convenir librement de l’entretien de la famille. Leur accord n’est soumis à aucune forme: il peut notamment être implicite ou résulter d’actes concluants, les parties étant par ailleurs libres de se mettre d’accord sur une contribution d’entretien plus élevée ou plus faible que celle qui aurait pu être fixée par jugement. Les conventions successives conclues par les parties constituent alors la cause de l’obligation.
En l’espèce,
la recourante et son époux ont convenu entre eux que, dès le 1er février 2008, date de leur séparation de fait, les moyens d’existence de celle-ci et des enfants communs seraient assurés par des prélèvements opérés sur un compte bancaire laissé à sa disposition et alimenté par l’époux, qui paierait également certaines factures relatives aux enfants. Il ressort de l’Ordonnance du Tribunal civil de première instance du 15 août 2013 que cet accord avait bien pour cause juridique l’entretien de l’épouse et des enfants en raison de l’absence de ménage commun et de la cessation de la mise en commun des moyens financiers du couple. Seule demeure ouverte la question de savoir sous quelle forme l’obligation d’entretien a été exécutée en 2008.
La recourante soutient que les montants qui figuraient sur le compte bancaire duquel elle a pu prélever les moyens nécessaires à son entretien et celui des enfants communs faisaient partie de sa fortune. Les sommes débitées du compte constituaient ainsi des prélèvements de fortune non imposable dans son chapitre fiscal.
Sous le régime matrimonial de la participation aux acquêts, chaque époux est propriétaire de ses biens propres et de ses acquêts, les acquêts comprenant notamment le produit du travail (art. 197 al. 2 ch. 1 CC) ainsi que les revenus des acquêts. Le régime matrimonial n’a pas, en lui-même, d’influence sur la possession des biens des conjoints, de sorte que chaque époux conserve en principe la possession des biens dont il est propriétaire. C’est le lieu d’ajouter également que la taxation commune des époux n’a évidemment pas non plus d’influence sur la propriété et la possession des biens de ceux-ci (cf. art 9 al. 1 LIFD in fine). En revanche, les contributions d’entretien de l’art. 163 CC de non imposables qu’elles étaient tant que les époux vivaient en ménage commun le deviennent dès la fin de la vie commune et la taxation séparée des époux dans les limites rappelées ci-dessus.
L’instance précédente a retenu que la recourante ne disposait d’aucune source de revenu propre. Il y a par conséquent lieu de présumer, en l’état de la cause, que le montant qui figurait sur le compte laissé à disposition de la recourante pour son entretien et celui des enfants communs au 1er février 2008 faisait partie des acquêts voire des biens propres de son époux dont il était propriétaire et n’appartenait pas à la recourante, même si elle disposait, le cas échéant, déjà d’une procuration sur ce compte avant le 1er février 2008. Si la propriété des biens telle que présumée ne se vérifie pas, la recourante apportant la preuve de son droit de propriété (art. 200 CC), alors les sommes débitées du compte dès le 1er février 2008 équivalaient à des prélèvements de fortune non imposables à concurrence du montant qui y figuraient à cette date. Dans le cas contraire, en revanche, en manifestant sa volonté d’attribuer ledit compte bancaire à l’entretien de son épouse et de ses enfants dès le 1er février 2008, le conjoint de la recourante a disposé (art. 201 al. 1 CC) de sa fortune et effectué une prestation en capital unique aux fins d’entretien au sens de l’art. 163 CC, de sorte qu’à concurrence du montant qui figurait effectivement sur ledit compte bancaire au 1er février 2008, la recourante a perçu une prestation en capital non imposable dans son chapitre fiscal 2008 au sens de la jurisprudence rappelée ci-dessus. Il convient toutefois de réserver dans les deux hypothèses d’éventuels versements subséquents effectués sur ce compte par son époux jusqu’au 31 décembre 2008 : de tels versements constituent une pension alimentaire imposable au titre de prestations périodiques pour la période fiscale 2008.
En jugeant qu’un montant de 223’850 fr. était imposable dans le chapitre de la recourante sans tenir compte soit d’éventuels prélèvements sur sa fortune soit du versement d’une prestation en capital, dans les deux cas non imposables, l’instance précédente a violé le droit fédéral.
Le recours en matière d’impôt fédéral direct doit par conséquent être admis dans le sens des considérants et la cause renvoyée à l’instance précédente pour instruction complémentaire et nouvelle décision (art. 107 al. 2 LTF).
(Arrêt du Tribunal fédéral 2C_567/2016, 2C_568/2016 du 10 août 2017, consid. 5 et 6)
Me Philippe Ehrenström, avocat, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon