L’art. 33 al. 1 let. a LIFD autorise la défalcation, au titre de ” Déductions générales “, des intérêts passifs à concurrence du rendement imposable de la fortune au sens des art. 20 et 21 LIFD, augmentée d’un montant de 50’000 francs.
La notion d’intérêts doit être interprétée sous l’angle économique. La forme, la désignation et le moment du versement des intérêts importent peu.
L’intérêt est la rémunération due lors de l’allocation ou de la non-restitution du capital, dans la mesure où elle est régulièrement calculée en pour cent, au prorata du temps et en quota du capital.
La déduction d’intérêts passifs suppose donc l’existence d’une dette pécuniaire. Ce n’est que si une relation existe entre les intérêts et la dette qu’il peut être question d’intérêts passifs.
Le Tribunal fédéral a eu l’occasion de préciser à plusieurs reprises que le rapport avec la dette faisait défaut dans les contrats de leasing. Les intérêts sur des crédits de construction ne constituent pas non plus des intérêts passifs déductibles du revenu au sens de l’art. 33 al. 1 let. b LIFD. Selon la jurisprudence, il s’agit de dépenses pour l’acquisition ou l’amélioration d’un bien au sens de l’art. 34 let. d LIFD (arrêts 2C_516/2011 du 28 décembre 2011 consid. 3.1; 2A.246/1995 du 24 avril 1977 consid. 4 non publié in ATF 123 II 218).
Les pratiques cantonales diffèrent sur la question de la déduction, au titre d’intérêts passifs, de l’indemnité versée pour rupture anticipée d’un prêt hypothécaire. Alors que certains cantons, dont Bâle-Campagne et Vaud, admettent la déduction de telles indemnités, d’autres, en particulier le Tessin, Lucerne et Neuchâtel estiment que ces indemnités ne constituent pas des intérêts passifs au sens de l’art. 33 al. 1 let. a LIFD.
Selon une partie de la doctrine, faute de lien avec la dette, l’indemnité pour rupture anticipée d’un prêt hypothécaire versée par le contribuable ne constitue pas un intérêt passif déductible du revenu en application de l’art. 33 LIFD (RICHNER ET AL., Handkommentar zum DBG, 2e éd. 2009, n° 14 ad art. 33 LIFD; PETER LOCHER, Kommentar zum DBG, Therwil/Bâle 2001, n° 14 ad art. 33 LIFD). D’autres auteurs privilégient une approche pragmatique de la situation, consistant à examiner la nature de l’indemnité versée par le contribuable (RAPHAËL GANI, note in: RDAF 2012 II p. 92; ZIGERLIG/JUD, in Kommentar zum schweizerischen Steuerrecht, Bundesgesetz über die direkte Bundes-steuer [DBG], vol. I/2a, 2e éd. 2008, n° 9a ad art. 33 LIFD).
Selon GANI, la déduction est exclue lorsque l’indemnité consiste dans une simple clause pénale au sens des art. 60 ss CO. Il en va en revanche autrement lorsque l’indemnité est calculée en fonction du différentiel des taux hypothécaires et du manque à gagner du créancier qui ne percevra pas les intérêts jusqu’à la fin de la durée initiale du contrat de prêt. Dans ce cas, l’indemnité représente une composante ” d’intérêts futurs “, ce qui permet, à certaines conditions, de les assimiler à des intérêts passifs au sens de l’art. 33 al. 1 let. a LIFD. L’auteur distingue toutefois deux situations: dans l’une, le contribuable résilie le contrat hypothécaire de manière anticipée en vue de conclure un nouveau contrat à un taux plus avantageux; dans l’autre, le contribuable vend l’immeuble grevé de l’hypothèque. Dans le premier cas, l’auteur considère que la composante ” manque à gagner sur intérêts futurs ” est prépondérante, de sorte que l’indemnité versée doit être assimilée à des intérêts passifs. Dans le second, l’auteur retient que le lien entre l’indemnité et la dette n’est pas suffisant pour constituer un intérêt passif au sens de l’art. 33 LIFD (RAPHAËL GANI, op. cit., p. 97).
Ce dernier courant de doctrine doit être suivi. En effet, l’assimilation à des intérêts passifs peut se justifier lorsque l’indemnité pour rupture anticipée du prêt résulte de la conclusion d’un nouveau contrat de prêt hypothécaire aux conditions modifiées (contrat conclu avec le même créancier à un taux plus avantageux). En pareille hypothèse, on peut arguer que la relation entre cette indemnité et la dette hypothécaire sous-jacente subsiste, de sorte que l’indemnité s’apparente davantage à une rémunération qu’à un dédommagement ou une pénalité (arrêt 2C_1148/2015 du 3 avril 2017 consid. 5.3.1). L’indemnité pour rupture anticipée du prêt devrait alors être assimilée à des intérêts passifs, déductibles du revenu ordinaire.
En revanche, lorsque la résiliation anticipée du contrat de prêt est due à la vente de l’immeuble grevé de l’hypothèque, il convient d’examiner la situation à l’aune de l’art. 12 LHID relatif à l’impôt sur les gains immobiliers. D’après cette disposition, l’impôt sur les gains immobiliers a pour objet les gains réalisés lors de l’aliénation de tout ou partie (notamment) d’un immeuble faisant partie de la fortune privée du contribuable, à condition que le produit de l’aliénation soit supérieur aux dépenses d’investissement (prix d’acquisition ou autre valeur s’y substituant, impenses). En principe, les cantons sont libres de déterminer les dépenses pouvant être prises en considération à titre d’impenses. Le législateur cantonal ne dispose cependant que d’une latitude limitée pour ce qui est de la description du gain imposable; en effet, le gain immobilier et l’impôt sur le revenu sont étroitement liés. En particulier, s’agissant des notions de ” produit de l’aliénation “, ” dépenses d’investissement ” et ” autre valeur s’y substituant “, le principe de l’harmonisation verticale voudrait que l’on adopte la même interprétation pour l’impôt cantonal et communal que pour l’impôt fédéral direct.
D’après la jurisprudence, la notion d’impenses se réfère aux dépenses apportant une plus-value à l’immeuble (arrêts 2C_1148/2015, consid. 4.2.1; 2C_674/2014, consid. 3.3; 2C_398/2009 du 16 novembre 2009 consid. 2.4; 2C_288/2007 du 19 décembre 2007, in RtiD 2008 I p. 971). Les dépenses doivent en outre avoir été effectivement versées par l’aliénateur (” principe de la comptabilisation des coûts effectifs “: arrêts 2C_1148/2015, consid. 4.2.2; 2C_817/2014, consid. 2.2.3; 2C_77/2013, consid. 4.2) et être en relation étroite avec l’aliénation du bien immobilier (arrêts 2C_1148/2015, consid. 4.3; 2C_817/2014, consid. 2.2.2; 2C_674/2014, consid. 3.2). La jurisprudence précise enfin qu’une dépense consentie sur un immeuble qui est déduite ou déductible de l’impôt sur le revenu ne peut plus être considérée comme appartenant aux impenses déductibles du gain immobilier, sous peine d’accorder une double déduction contraire à l’imposition selon la capacité économique (arrêt 2C_674/2014 précité, consid. 3.3).
Dans l’arrêt attaqué, confirmant sa propre jurisprudence (arrêt du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel CDP.2011.99-FISC du 17 août 2011), le Tribunal cantonal a considéré que, dans la mesure où l’indemnité constituait une pénalité ou un dédommagement à verser à la banque en raison de la résiliation anticipée du contrat, un lien de dépendance avec la dette faisait défaut. Il en a déduit que l’indemnité n’était pas déductible selon l’art. 33 al. 1 let. a LIFD.
Ce raisonnement n’est pas critiquable.
D’après les constatations cantonales, qui lient le Tribunal fédéral (cf. art. 105 al. 1 LTF), les recourants ont résilié avant terme deux contrats hypothécaires conclus auprès de D.________ dans le but de vendre leur bien immobilier. On ne se trouve donc pas dans l’hypothèse où la relation contractuelle avec le créancier perdure en dépit de nouvelles conditions de prêt. Il ne s’agit pas non plus de la situation dans laquelle un nouveau contrat de prêt est conclu avec un créancier différent. Dans la présente espèce, la résiliation anticipée du contrat de prêt est due à la vente de l’immeuble grevé de l’hypothèque. En pareille hypothèse, il y a lieu de considérer que l’indemnité versée en raison de la résiliation anticipée des contrats de prêt n’a pas suffisamment de lien avec la dette pour constituer un intérêt passif au sens de l’art. 33 al. 1 let. a LIFD.
Dans ces conditions, l’instance précédente n’a pas violé le droit fédéral en confirmant le refus du Service des contributions de déduire du revenu des recourants les indemnités versées pour dénonciation avant terme des contrats de prêt.
(Arrêt du Tribunal fédéral 2C_1165/2014, 2C_1166/2014 du 3 avril 2017 – destiné à la publication)
Me Philippe Ehrenström, avocat, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon