Il peut être tenant, au sein d’un groupe de sociétés, de facturer des prestations exagérées ou de reporter des charges pour diminuer le bénéfice imposable de sociétés filles au profit, par exemple, de la holding.
Le droit fiscal suisse ne connaissant pas, sauf disposition légale expresse, de régime spécial pour les groupes de sociétés, les opérations entre sociétés d’un même groupe doivent intervenir comme si elles étaient effectuées avec des tiers dans un environnement de libre concurrence. En conséquence, il n’est pas pertinent que la disproportion d’une prestation soit justifiée par l’intérêt du groupe. À cet égard, il est évident qu’un groupe a, du point de vue fiscal, intérêt à reporter autant que possible les charges de la holding qui le chapeaute (celle-ci ne payant pas d’impôt sur le bénéfice) sur les sociétés-filles, dont l’augmentation des charges aura un effet réflexe de diminution du bénéfice imposable.
Aucune norme ne consacre expressément l’obligation pour une société anonyme de ne comptabiliser comme charges, dans son compte de résultats, que celles qui concernent ladite société elle-même, et non une entité tierce. Une telle obligation tombe néanmoins sous le sens, et résulte de diverses règles, notamment comptables (principes de la sincérité du bilan et du compte de résultats, art. 959 al. 1 et 959b al. 1 de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 – Livre cinquième : Droit des obligations – CO – RS 220).
Le Tribunal fédéral a ainsi jugé qu’une soustraction fiscale est commise dès qu’il y a irrégularité dans la comptabilité, et qu’il y a violation des règles de droit commercial prévues aux art. 957 ss CO (ainsi qu’aux art. 662 ss CO pour les sociétés anonymes), notamment du principe de sincérité de l’art. 959 CO, lorsque la société comptabilise une charge étrangère à son activité (art. 135 II 86 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_589/2013 du 17 janvier 2014 consid. 7.4).
En l’espèce, A______ Holdings a facturé à plusieurs de ses sociétés-filles des prestations de service et de gestion, et en particulier à ce titre un montant de CHF 14’613’871.- à A______ pour l’année 2008.
L’AFC-GE a par la suite découvert qu’une partie de ces prestations ne concernaient en fait pas A______, mais uniquement l’administration de A______ Holdings. Celle-ci a du reste reconnu, dans son courrier du 10 décembre 2010 à l’AFC-GE, que sur ce montant refacturé, il apparaissait effectivement qu’une partie concernait des charges de fonctionnement de la société holding elle-même, qui ne devait dès lors pas faire l’objet d’une refacturation aux filiales.
Dès lors, quand bien même cette partie a été déterminée de manière forfaitaire et sous forme de pourcentage de chaque catégorie de frais, il ne s’agit pas d’une question d’évaluation des prix de transfert – soit celle de savoir si les prix des prestations en soi justifiées sont ou non trop élevés au regard de la prestation fournie – mais de comptabilisation de charges étrangères à l’activité de l’entreprise, les prestations délivrées ne correspondant pas – contrairement à ce qu’allègue A______ dans sa dernière écriture – à des activités de tutelle.
Conformément à la jurisprudence citée cités, il y a donc bien eu violation des règles de droit commercial impératif et donc, d’un point de vue objectif, soustraction fiscale en ce qui concerne les montants en cause – les deux sociétés, bien qu’appartenant au même groupe, restant indépendantes l’une de l’autre en droit fiscal suisse.
(ATA/291/2016 consid. 6 à 8)