Aux termes de l’art. 57 LIFD, l’impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net. Selon l’art. 58 al. 1 LIFD, le bénéfice net imposable comprend notamment le solde du compte de résultats (let. a), ainsi que tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultats, qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial (let. b). Au nombre de ces prélèvements figurent les amortissements et les provisions qui ne sont pas justifiés par l’usage commercial (let. b 2ème tiret).
Le droit fiscal renvoie au droit comptable pour déterminer le bénéfice net imposable. Les comptes établis conformément aux règles du droit comptable lient les autorités fiscales, à moins que des normes impératives du droit commercial ne soient violées ou que des normes fiscales correctrices ne l’exigent.
L’art. 62 al. 1 LIFD prévoit que les amortissements des actifs justifiés par l’usage commercial sont autorisés, à condition que ceux-ci soient comptabilisés ou, à défaut d’une comptabilité tenue selon l’usage commercial, qu’ils apparaissent dans un plan spécial d’amortissements. D’après l’art. 62 al. 2 LIFD, en général, les amortissements sont calculés sur la base de la valeur effective des différents éléments de fortune ou doivent être répartis en fonction de la durée probable d’utilisation de chacun de ces éléments.
Selon la jurisprudence, un amortissement – qui constitue en droit fiscal la constatation définitive d’une diminution de valeur d’un actif – est justifié par l’usage commercial dans la mesure où il permet de tenir compte d’une véritable moins-value d’un poste au bilan. En principe, les amortissements sont progressifs; un amortissement unique – on parle alors d’amortissement extraordinaire – est toutefois admissible à titre exceptionnel (cf. ATF 137 II 353 consid. 6.4.1 p. 361 et les références citées).
Exemple tiré de la pratique :
La recourante justifie l’amortissement litigieux en soutenant que celui-ci était nécessaire afin de faire “correspondre la réalité comptable à la réalité économique”. D’après elle, les parts sociales qu’elle avait acquises dans la coopérative en 2011 n’auraient aucune valeur, de sorte qu’il se justifiait de procéder à l’amortissement total (à hauteur donc de 204’001 fr.) de celles-ci. Elle fonde cette argumentation notamment sur le fait que, d’après les statuts de la coopérative, les parts sociales en question ne sont pas remboursables et qu’il “n’existe aucun marché permettant d’attribuer une quelconque valeur à une part sociale [de la coopérative]”.
Il ressort de l’arrêt entrepris que les statuts de la coopérative comprennent en particulier les articles suivants:
– “La propriété de parts sociales peut donner droit aux sociétaires de louer les logements de la société. Dès l’instant où il cesse d’être locataire, le sociétaire peut demander le remboursement aux conditions de l’article 14 ci-dessous” (art. 9 § 4);
– “Le sociétaire peut céder ses parts sociales à un tiers. Le transfert est subordonné au consentement du conseil d’administration et l’admission du cessionnaire est soumise à toutes les conditions qui régissent l’acquisition de la qualité de sociétaire (…) ” (art. 13);
– “Les parts sociales souscrites par les associés ne sont pas remboursables. Cependant (…) le sociétaire qui a acquis des parts sociales en vue de louer un logement propriété de la société et ayant effectivement occupé dit appartement, a droit au remboursement du montant nominal de ses parts sociales, à l’exclusion de l’agio, sauf le cas où il les a cédées à un tiers agréé par le conseil d’administration (…) ” (art. 14).
A la lecture de ces statuts, force est de constater que la recourante n’a effectivement pas la possibilité de se faire rembourser ses parts sociales, l’arrêt attaqué n’indiquant pas qu’elle remplirait les conditions d’un remboursement de la valeur nominale des titres (cf. art. 14 des statuts). Cependant, cela ne démontre nullement que les parts sociales en question n’auraient aucune valeur. Les statuts de la coopérative prévoient en effet expressément la possibilité pour le sociétaire de céder ses parts sociales à un tiers (cf. art. 13 des statuts). S’il faut admettre qu’une telle opération est subordonnée à la réalisation de conditions, elle ne saurait pas pour autant être exclue. En outre, ces parts sociales donnent le droit de louer les logements de la coopérative (cf. art. 9 § 4 des statuts).
Dans ces circonstances, on ne voit pas que l’on puisse reprocher au Tribunal cantonal d’avoir retenu que la recourante, qui a la charge de la preuve, n’avait pas démontré qu’il serait impossible pour elle de vendre à un tiers les parts sociales en question, ni établi que celles-ci auraient subi une perte de valeur durable durant l’année 2011. L’amortissement effectué par la recourante en relation avec ces parts sociales n’était donc pas “justifié par l’usage commercial” au sens des articles 58 al. 1 let. b et 62 al. 1 LIFD.
(Arrêt du Tribunal fédéral 2C_520/2015 & 2C_521/2015 du 28 décembre 2015)