Assujettissement (personne physique) – principes

VisageTête de lionL’assujettissement d’un contribuable à l’impôt d’une collectivité X. ou Y. est la première question qu’il convient de poser lorsqu’on examine son imposition. Le paiement de l’impôt ne peut en effet se concevoir sans la soumission à une collectivité habilitée à percevoir des taxes et des impôts en vertu de sa souveraineté. Sans assujettissement, pas d’impôt.

L’assujettissement se détermine d’abord d’après les règles nationales, en l’occurrence d’après les règles du droit fiscal suisse. En effet, les conventions internationales en matière de double imposition (CDI) ne contiennent que des règles visant à limiter les pouvoirs d’imposition des Etats mais ne fondent pas l’imposition elle-même.

L’assujettissement en droit interne suisse peut être, pour les personnes physiques, illimité (rattachement personnel) ou limité (rattachement économique) (cf. art. 3 à 6 LIFD).

Dans la première hypothèse, il s’étend à tous les éléments de revenus et de fortune à l’exception des immeubles, établissements stables et entreprises sis à l’étranger. Dans la seconde, il englobe les parties de revenus imposables en Suisse.

Une personne a son domicile fiscal en Suisse et y est assujettie de manière illimitée (assujettissement illimité) lorsqu’elle y réside avec l’intention de s’y établir durablement. Une seule présence ne suffit pas, il faut une volonté subjective de s’établir durablement en un lieu, d’y créer des attaches et de faire de celui-ci le centre reconnaissable par des tiers de ses relations personnelles et économiques. Le séjour en Suisse doit aussi être d’une certaine durée, sans qu’il soit possible a priori de définir des minima. Le lieu où la personne assujettie a le centre de ses intérêts personnels se détermine en fonction de l’ensemble des circonstances objectives.

L’assujettissement illimité peut également découler du séjour, soit de la présence en Suisse pendant 30 jours au moins en exerçant une activité lucrative ou pendant 90 jours sans exercer une telle activité. Il s’agit d’un critère subsidiaire, qui peut concerner par exemple les personnes séjournant en Suisse sans intention de s’y établir durablement ou les personnes domiciliées à l’étranger mais qui exercent temporairement une activité lucrative en Suisse. Le séjour doit s’effectuer sans interruption notable, ce qui exclut par exemple les frontaliers qui reviennent régulièrement à leur domicile étranger. Il y faut une certaine continuité, qui ne se résout pas à l’addition de très petites unités de temps sur l’année.

Exemple tiré de la pratique :

Il incombe aux autorités fiscales, qui ne sont pas liées par les décisions prises par d’autres autorités, de déterminer d’office les éléments de fait constitutif du domicile (séjour) fiscal et donc d’en prouver l’existence. Le contribuable a l’obligation de coopérer : il doit fournir des informations détaillées sur tous les éléments aptes à fonder son assujettissement. Lorsque des indices clairs et précis rendent vraisemblable le cas d’espèce établi par l’autorité, il revient au contribuable de réfuter, preuve à l’appui, ce qui est avancé par l’autorité.

L’instance précédente s’est référée à deux communications des autorités fiscales et communales, selon lesquelles la contribuable vivait en concubinage au Tessin. Toutefois, ces documents ne comportent aucun élément précis et irréfutable relatif à la présence de la recourante dans la commune concernée. Ces documents sont par ailleurs contredits par d’autres documents émanant de la même commune. Le recours est admis et la cause renvoyée à la dernière instance cantonale pour détermination de l’assujettissement (RDAF 2011 II 142).

L’assujettissement limité repose quant à lui sur un rattachement économique. Il peut découler ainsi de l’exercice d’une activité lucrative dépendante ou indépendante pour une durée de moins de 30 jours ou qui serait interrompue systématiquement : frontaliers, artistes, sportifs, etc. Il n’est pas nécessaire qu’au moment où le revenu est perçu par le contribuable celui-ci exerce encore son activité en Suisse. Il suffit que le revenu se rapporte à une activité lucrative exercée en Suisse. Une présence personnelle en Suisse relative à l’exercice de l’activité est par contre indispensable. Il n’est en effet pas suffisant que les effets ou les conséquences de l’activité se fassent sentir en Suisse. Les revenus imposés en vertu d’un assujettissement limité (rattachement économique) le seront par le biais de l’impôt à la source.

Exemple tiré de la pratique :

Depuis le 1er janvier 2005, Y., ressortissant allemand, réside à Genève où il travaille comme programmeur pour la société X. SA. Il est soumis à l’impôt à la source faute d’autorisation d’établissement. Le 1er mai 2006, Y. transfert son domicile à Doha au Qatar où il continue à travailler pour la société X. SA qui commercialise en Suisse les logiciels élaborés par lui. Y. n’est alors plus assujetti à l’impôt en Suisse faute de présence effective en Suisse en lien avec son activité. La commercialisation de logiciels par son employeur, même s’ils sont élaborés par lui, ne suffit pas à fonder l’assujettissement (RDAF 2011 II 540).

La question de la fin de l’assujettissement illimité en Suisse se pose en cas de départ de la Suisse pour l’étranger.

Le principe est ici que toute personne conserve son domicile fiscal aussi longtemps qu’elle ne s’en crée pas un nouveau dans un autre pays (principe de la rémanence du domicile fiscal). Il est sans importance que le contribuable annonce son départ ou qu’il ait quitté la Suisse, tant qu’il n’a pas prouvé s’être constitué un nouveau domicile où, notamment, il est assujetti à l’impôt.

On prendra pour exemples les cas du délégué du CICR qui part en mission à l’étranger ou du globe-trotter qui fait le tour du monde en bateau.

Le premier voit la durée et les lieux de ses séjours décidés par l’employeur selon les besoins et la situation politique. L’installation du délégué dans un pays déterminé ne dépend donc pas de sa volonté de s’établir, de demeurer à un endroit et d’y fonder des liens durables. Il ne saurait donc y avoir établissement d’un nouveau centre des relations personnelles de l’employé, lequel gardera son domicile fiscal en Suisse.

Le second, puisqu’il est toujours en mouvement et va de port en port, n’établit pas davantage de nouveau domicile fiscal à l’étranger et conserve donc le sien en Suisse.

Exemple tiré de la pratique :

A. avait son domicile en Suisse dans le canton de N. où se trouve également le domicile de sa femme et de ses enfants. A. affirme avoir quitté N. pour la France, où il avait un logement et ses affaires, ne se rendant qu’occasionnellement à N. pour voir ses enfants. A. dormait en France à l’hôtel ou chez des connaissances et fréquentait un club de sport. Il a fini par louer une chambre sans confort particulier, passant beaucoup de temps pour affaire à l’étranger. Le Tribunal fédéral a considéré que ces circonstances ne permettaient pas de retenir la constitution d’un nouveau domicile à l’étranger, eu égard à la précarité de ses conditions de logement, à l’absence de relations sociales et aux fréquents déplacements à l’étranger. A. ne s’étant ainsi pas constitué de nouveau domicile fiscal en France, celui du canton de N. persistait, fondant son assujettissement illimité (RDAF 2012 II 142).

Me Philippe Ehrenström, avocat, ll.m. (tax), Genève et Yverdon

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Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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