Résumé:
Le secret du réviseur au sens de l’art. 730b al. 2 CO ne permet pas de s’opposer à une demande de levée des scellés (cf. art. 50 al. 2 DPA, 321 ch. 1 CP et, par renvoi de l’art. 41 al. 2 DPA, 171 al. 1 et 173 al. 1 CPP). Le réviseur est ainsi tenu de déposer, sous réserve du cas où il rend vraisemblable que l’intérêt au maintien du secret l’emporte sur l’intérêt à la manifestation de la vérité, ce qui doit être admis restrictivement. (cf. par renvoi de l’art. 41 al. 2 DPA, art. 173 al. 2 CPP).
Développements:
En vertu de l’art. 730b al. 2 CO, l’organe de révision garde le secret sur ses constatations, à moins que la loi ne l’oblige à les révéler (1re phrase); il garantit le secret des affaires de la société lorsqu’il établit son rapport, lorsqu’il procède aux avis obligatoires et lorsqu’il fournit des renseignements lors de l’assemblée générale (2e phrase).
Les ecclésiastiques, avocats, défenseurs en justice, notaires, conseils en brevet, contrôleurs astreints au secret professionnel en vertu du code des obligations – soit notamment les réviseurs des sociétés anonymes, médecins, dentistes, chiropraticiens, pharmaciens, sages-femmes, psychologues, ainsi que leurs auxiliaires, qui auront révélé un secret à eux confié en vertu de leur profession ou dont ils avaient eu connaissance dans l’exercice de celle-ci, seront, sur plainte, punis d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire (art. 321 ch. 1 CP).
En présence d’un secret professionnel avéré, au sens de l’art. 50 al. 2 DPA, l’autorité de levée des scellés procède elle-même à un premier tri des documents, afin d’écarter ceux qui sont sans utilité pour l’enquête; elle élimine ensuite les pièces couvertes par le secret professionnel puis prend les mesures nécessaires pour préserver, sur les documents remis aux enquêteurs, la confidentialité des tiers.
Il incombe à celui ayant requis la mise sous scellés de démontrer, de manière suffisante, l’existence du secret professionnel dont il se prévaut.
A teneur de l’art. 41 al. 2 DPA, les art. 163 à 166 et 168 à 176 CPP et l’art. 48 de la loi fédérale du 4 décembre 1947 de procédure civile fédérale (RS 273) s’appliquent par analogie à l’audition et à l’indemnisation des témoins (1re phrase); si un témoin refuse, sans motif légitime, de faire une déposition qui lui a été demandée par référence à l’art. 292 CP et sous la menace des peines qui y sont prévues, il sera déféré au juge pénal pour insoumission à cette décision (2e phrase).
Selon l’art. 171 al. 1 CPP, les ecclésiastiques, avocats, défenseurs, notaires, conseils en brevet, médecins, dentistes, chiropraticiens, pharmaciens, sages-femmes, psychologues ainsi que leurs auxiliaires peuvent refuser de témoigner sur les secrets qui leur ont été confiés en vertu de leur profession ou dont ils ont eu connaissance dans l’exercice de celle-ci.
Quant à l’art. 173 al. 1 CPP, il prévoit que les personnes qui sont tenues d’observer le secret professionnel en vertu d’une des dispositions suivantes ne doivent déposer que si l’intérêt à la manifestation de la vérité l’emporte sur l’intérêt au maintien du secret: art. 321bis CP (let. a); art. 139 al. 3 CC (let. b); art. 2 de la loi fédérale du 9 octobre 1981 sur les centres de consultation en matière de grossesse (RS 857.5 [let. c]); art. 11 de la loi du 23 mars 2007 sur l’aide aux victimes d’infractions (LAVI; RS 312.5 [let. d]); art. 3c al. 4 de la loi du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup; RS 812.121 [let. d]). Les détenteurs d’autres secrets protégés par la loi sont tenus de déposer (art. 173 al. 2, 1re phrase, CPP). La direction de la procédure peut les libérer de l’obligation de témoigner lorsqu’ils rendent vraisemblable que l’intérêt au maintien du secret l’emporte sur l’intérêt à la manifestation de la vérité (art. 173 al. 2, 2e phrase, CPP).
Le secret de l’organe de révision – dont la violation est certes réprimée par l’art. 321 CP – n’est pas mentionné à l’art. 50 al. 2 DPA.
Le CPP n’en fait pas non plus état, que ce soit dans la disposition en lien avec les secrets professionnels (art. 171 al. 1 CPP dont le texte correspond à celui de l’art. 321 CP à l’exclusion des réviseurs) ou dans la liste des dispositions légales permettant de refuser de témoigner en raison d’autres devoirs de discrétion, cela sous réserve des cas où la manifestation de la vérité l’emporte sur le maintien du secret (art. 173 al. 1 CPP), ce que doit démontrer par ailleurs l’autorité de poursuite. Les réviseurs doivent par conséquent être considérés comme des détenteurs d’autres secrets protégés par la loi au sens de l’art. 173 al. 2, 1re phrase, CPP. A ce titre et en vertu de cette disposition, ils sont donc en principe tenus de déposer.
Eu égard au principe de proportionnalité – dont le respect est notamment assuré par l’art. 173 al. 2 CPP, la direction de la procédure peut cependant libérer les détenteurs d’autres secrets de l’obligation de témoigner lorsqu’ils rendent vraisemblable que l’intérêt au maintien du secret l’emporte sur celui à la manifestation de la vérité. Il appartient toutefois à celui qui s’en prévaut de rendre vraisemblable l’existence d’un intérêt prépondérant au maintien du secret. Il importe à cet égard de s’opposer, par principe, à ce que le secret auquel sont tenus les réviseurs fonde un droit de refuser de témoigner. L’intérêt au secret sur celui à la manifestation de la vérité devrait être admis de manière restrictive, en particulier lorsqu’il n’est question que d’un intérêt économique
En l’espèce,
La Cour des plaintes a retenu que, dès lors que l’art. 50 al. 2 DPA était muet sur le secret des réviseurs, il ne pouvait en être déduit que les règles prévues par le CO et le CP s’appliqueraient et, faute donc de base légale, la recourante ne pouvait pas se prévaloir du secret de l’organe de révision pour s’opposer à la levée des scellés.
Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique. Il doit par ailleurs être confirmé eu égard au renvoi prévu par l’art. 41 al. 2 DPA à l’art. 173 CPP. Le réviseur est ainsi tenu de déposer, ce qui ne paraît au demeurant pas contraire à la réserve prévue par le texte même de l’art. 730b al. 2 CO.
Il sied encore d’examiner s’il existe dans le cas d’espèce des intérêts prépondérants justifiant le maintien du secret (cf. art. 173 al. 2, 2e phrase, CPP). Dans la mesure où le devoir de confidentialité de la recourante envers sa mandante ne suffit pas pour exclure la transmission des pièces litigieuses, il lui appartenait de démontrer, de manière circonstanciée, quels autres éléments pouvaient entrer en considération, ce qu’elle ne fait pas.
En particulier, elle ne développe aucune argumentation visant à contester l’appréciation effectuée par l’autorité précédente eu égard à ses obligations de protection envers ses employés (art. 328 et 328b CO), à savoir que cela ne constituait pas un obstacle à sa collaboration dès lors que l’enquête pouvait tendre à découvrir les identités des personnes ayant travaillé, d’une façon ou d’une autre, ou participé à des actes faisant l’objet de l’enquête et que les enquêteurs étaient de plus liés par le secret de fonction, de sorte que les informations découvertes étaient confidentielles. Ce raisonnement peut par conséquent être confirmé.
Quant au droit de ne pas s’auto-incriminer dont la recourante se prévaut, tant le prévenu – peu importe d’ailleurs son identité en l’occurrence -, que celui pouvant se prévaloir d’un droit de refuser de témoigner (cf. art. 41 al. 2 DPA renvoyant en particulier à l’art. 169 al. 1 let. a CPP) ou celui pouvant refuser de procéder à une obligation de dépôt (cf. en procédure pénale ordinaire, art. 265 al. 2 let. b et c CPP) – soit la recourante, ses organes et/ou ses collaborateurs – sont tenus de tolérer les mesures de contrainte prévues par la loi, dont fait partie la perquisition au sens de l’art. 50 DPA. En tout état de cause, la recourante ne prétend pas que les pièces litigieuses auraient été établies et/ou remises sous la contrainte, respectivement qu’elle aurait été empêchée de faire valoir ses droits afin de s’opposer à la production des documents demandés.
Partant, la juridiction précédente pouvait, à juste titre, retenir qu’aucun élément ne permettait en l’occurrence de faire primer le maintien du secret sur l’intérêt à la manifestation de la vérité.
(ATF 145 IV 273)
Me Philippe Ehrenström, LL.M. (Tax), avocat, Genève et Onnens (VD)