Electricité: les “sociétés de partenaires” et leur imposition

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La société de partenaires

La figure de la société de partenaires  est connue en Suisse depuis des décennies.

Il s’agit d’une personne morale créée par plusieurs autres dans le but qu’elle leur fournisse des prestations sur le long terme. Dans le domaine de l’électricité produite par énergie hydraulique, une société de partenaires, qui prend en général la forme d’une société anonyme et qui est en principe entièrement ou majoritairement détenue en mains publiques, s’engage à produire de l’électricité en faveur des partenaires, au pro-rata de leur participation, en exécution d’un contrat à long terme qui a la même durée que la concession hydraulique. Les partenaires s’engagent de leur côté à acquérir l’électricité produite. Une société de partenaires n’assume en principe pas de risque entrepreneurial ni financier, celui-ci étant pris en charge par les partenaires. Par ailleurs, elle exerce surtout des activités de routine ; ce sont les partenaires qui assument les fonctions essentielles liées à la production, qu’ils planifient en fonction de la demande.

Les actionnaires/partenaires versent à la société de partenaires, en contrepartie de l’électricité qu’elle a produite en leur faveur, un montant qui équivaut à la somme des frais annuels qu’elle a encourus, à quoi s’ajoute un montant, établi sur la base du montant du capital-actions de la société, dont les modalités de calcul sont fixées contractuellement entre les partenaires.

La proximité entre les personnes morales en cause, l’ancienneté de leurs rapports posent parfois de délicats problèmes d’évaluation des prestations fournies et reçues dans le cadre de ces sociétés.

Imposition de la société de partenaires

En effet, le bénéfice net imposable des personnes morales comprend notamment tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultats qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial (art. 58 al. 1 let. b. LIFD). Au nombre de ces « prélèvements » figurent les distributions dissimulées de bénéfice et les avantages procurés à des tiers qui ne sont pas justifiés par l’usage commercial ; il s’agit de situations où la société n’aurait pas accordé la prestation fournie à son actionnaire ou à un proche dans la même mesure à un tiers étranger, en d’autres termes lorsque le principe de pleine concurrence n’a pas été respecté.

Selon l’art. 58 al. 3 LIFD, les prestations que des entreprises d’économie mixte remplissant une tâche d’intérêt public fournissent, de manière prépondérante, à des entreprises qui leur sont proches sont évaluées au prix actuel du marché, à leur coût actuel de production majoré d’une marge appropriée ou à leur prix de vente final actuel diminué d’une marge de bénéfice; le résultat de chaque entreprise est ajusté en conséquence. L’art. 58 al. 3 LIFD concerne les entreprises d’économie mixte remplissant une tâche d’intérêt public, mais vise dans les faits avant tout les sociétés de partenaires dans le domaine de l’électricité.

La disposition renvoie aux trois méthodes traditionnelles fondées sur les transactions qui ont été développées par l’OCDE pour mettre en œuvre le principe de pleine concurrence, à savoir celles du prix comparable du coût majoré et du prix de revente. Aussi, quand bien même la lettre de la disposition pourrait laisser entendre qu’elle vise à régler la manière dont le bénéfice réalisé par les entreprises d’économie mixte doit être fixé, la mention de ces trois méthodes montre qu’elle est destinée en fait à mettre en œuvre le principe de pleine concurrence.

Appréciation

L’art. 58 al. 3 LIFD ne s’applique donc pas après que l’autorité fiscale a prouvé l’existence d’une disproportion entre les prestations et les contreprestations fournies, mais bien pour déterminer s’il existe une telle disproportion. Il suffit donc que l’on soit en présence de prestations fournies par une société de partenaires à des entreprises proches pour que l’autorité fiscale soit en droit de vérifier, en appliquant les méthodes de l’art. 58 al. 3 LIFD, si le principe de pleine concurrence a été respecté et, dans la négative, s’il y a eu distribution dissimulée de bénéfices.

(Arrêt du Tribunal fédéral 2C_495/2017, 2C_512/2017 du 27 mai 2019)

Me Philippe Ehrenström, LL.M. (Tax), avocat, Genève et Onnens (VD)

About Me Philippe Ehrenström

Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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