Le contribuable qui possède des immeubles privés peut déduire les frais nécessaires à leur entretien, les frais de remise en état d’immeubles acquis récemment, les primes d’assurances relatives à ces immeubles et les frais d’administration par des tiers (art. 32 al. 1 1ère phrase LIFD).
Sont en particulier déductibles les frais d’administration, soit les frais de port, de téléphone, d’annonces, d’imprimés, de poursuite, de procès et les rétributions au gérant, etc. (seulement les dépenses effectives; les indemnités pour le travail effectué par le propriétaire ne sont pas déductibles) (art. 1 al. 1 let. c de l’ordonnance de l’AFC-CH sur les frais relatifs aux immeubles privés déductibles dans le cadre de l’IFD du 24 août 1992 – RS 642.116.2).
Des règles similaires existent en matière d’ICC (art. 9 al. 3 1ère phr. LHID et art. 34 let. d LIPP), étant précisé que la jurisprudence rendue en matière d’IFD est en principe également valable pour l’application des dispositions cantonales harmonisées correspondantes (ATF 140 II 88 consid. 10; ATF 130 II 65 consid. 3.1 et 3.2).
Le guide fiscal 2013 remis à tous les contribuables par l’AFC-GE se référait (p. 42) à l’information nº 1/2011 ainsi qu’à la notice nº 1/2011 « Déductibilité des frais d’entretien des immeubles privés ». Au point 10.4.1 de ladite notice, il est indiqué que constituent des frais d’entretien (déductibles) les frais d’avocat liés à l’acquisition du revenu, mais non d’autres frais d’avocat comme les frais de conciliation ou d’évacuation d’un immeuble.
Le Tribunal fédéral a jugé en 2017 une affaire portant sur une question semblable.
Il a considéré que c’était à juste titre que l’instance cantonale avait retenu que les frais engagés en vue du maintien de la valeur d’une parcelle étaient en principe déductible. Ainsi, la pratique admet la déduction des frais d’avocat et de justice dans la mesure où l’objet du litige concerne l’utilisation ou le maintien de la valeur d’une parcelle (ce qui inclut notamment la lutte contre des immissions excessives). Le caractère déductible desdits frais ne dépend pas du point de savoir si les contribuables peuvent obtenir gain de cause sur l’ensemble de leurs conclusions ; il faut néanmoins que la démarche juridique engagée ne soit pas manifestement dénuée de chances de succès (arrêt du Tribunal fédéral 2C_690/2016 du 2 février 2017 consid. 2.2 et les références citées).
En l’espèce, les recourants avaient contesté des mesures d’aménagement. Dans l’un des arrêts rendus par le Tribunal fédéral au sujet du projet contesté, il avait été nié que les recourants fussent spécialement touchés et qu’ils eussent la qualité pour recourir. Dès lors, l’instance cantonale pouvait sans difficulté aboutir à la conclusion que les recourants n’encouraient aucune perte substantielle de valeur de leur bien-fonds en raison d’immissions excessives. Cela était d’autant plus vrai qu’en droit fiscal, il incombait aux contribuables de prouver tout fait propre à diminuer la charge fiscale, ce qu’ils n’avaient pas réussi à faire.
Certaines juridictions cantonales avaient, déjà auparavant, admis que les frais d’avocat étaient déductibles, dans la seule mesure toutefois où ils étaient nécessaires au maintien en l’état de l’immeuble, notamment au maintien de ses possibilités d’utilisation (ce qui était le cas s’ils étaient destinés par exemple à éviter un changement de zone provoquant une diminution de valeur), et qu’ils n’en augmentaient pas la valeur ni ne lui apportaient une amélioration (Tribunal administratif fribourgeois, arrêt du 12 mai 2000 in StE 2000 B 25.6 n. 41, consid. 6a).
En l’espèce, le recourant n’a pas apporté la preuve que la parcelle de l’hoirie risquait réellement une moins-value pour sa parcelle – sise en zone de développement – de par la construction des trois immeubles et l’expropriation de sa servitude de non-bâtir. Dans le combat judiciaire qu’elle a mené, l’hoirie n’a obtenu des succès que sur des questions de forme ou liées à l’instruction des causes, mais jamais sur le fond. À cet égard, l’expertise suggérée par le Tribunal fédéral a été mise en œuvre, et le rapport d’expertise conclut à l’absence de toute valeur de la servitude de non-bâtir, l’expert relevant notamment que la perte d’ensoleillement de la parcelle n’était pas confirmée par la projection des ombres portées aux équinoxes et au solstice d’été, que la luminosité n’était pas affectée par les nouvelles constructions, et qu’il n’y avait pas de différence de valeur de la parcelle avant et après la construction des trois bâtiments, étant précisé que la parcelle étant située en zone de développement, elle était potentiellement soumise au contrôle de la valeur du terrain, avant comme après la construction des immeubles du PLQ.
L’hoirie a par ailleurs tenté de faire valoir des griefs irrecevables, comme tirés de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l’emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR – L 5 20) (ATA/578/2013 du 3 septembre 2013 consid. 2). S’agissant de la contestation des autorisations de construire, ses moyens ont été rejetés (ATA/578/2013 précité consid. 14).
Enfin et partant, la chambre de céans considère que le fait qu’aucune demande de baisse de loyer n’ait été faite tend à démontrer que les démarches juridiques entreprises par l’hoirie ne l’ont pas été pour préserver le revenu tiré de la parcelle par le recourant et son frère, ce que le fait, invoqué par le recourant, que le loyer ne pouvait guère baisser une fois les immeubles construits puisqu’il était déjà en-deçà du prix du marché, tend à confirmer.
À cela s’ajoute la très forte disproportion entre le montant engagé par l’hoirie en frais d’avocat et en frais judiciaires (CHF 113’834.45 pour 2013 uniquement) et le montant annuel du loyer tiré de la parcelle (CHF 30’360.-).
On doit dès lors admettre que les démarches de l’hoirie étaient manifestement dénuées de chances de succès, au sens de la jurisprudence précitée du Tribunal fédéral, et surtout que le recourant n’a pas réussi à démontrer qu’elles visaient réellement le maintien de la valeur de l’immeuble ou du revenu de ce dernier.
Il découle de ce qui précède que le TAPI n’aurait pas dû admettre le recours du contribuable, les honoraires d’avocat et les frais judiciaires considérés ne pouvant être admis en déduction au titre de frais d’entretien d’immeubles.
(ATA/88/2018)
Me Philippe Ehrenström, LL.M. (Tax), avocat, Genève et Yverdon