Violation des obligations de procédure du contribuable: quotité de l’amende ICC/IFD

L’art. 55 LHID dispose que celui qui, malgré sommation, aura manqué intentionnellement ou par négligence à une obligation qui lui incombait en vertu de la présente loi ou d’une mesure prise en application de celle-ci, sera puni d’une amende de 1000 francs au plus; dans les cas graves ou en cas de récidive, l’amende sera de 10 000 francs au plus.

L’art. 174 LIFD prévoit quant à lui :

” 1 Sera puni d’une amende celui qui, malgré sommation, enfreint intentionnellement ou par négligence une obligation qui lui incombe en vertu de la présente loi ou d’une mesure prise en application de celle-ci, notamment:

  1. en ne déposant pas une déclaration d’impôt ou les annexes qui doivent l’accompagner,
  2. en ne fournissant pas les attestations, renseignements ou informations qu’il est tenu de donner,
  3. en ne s’acquittant pas des obligations qui lui incombent dans une procédure d’inventaire, en sa qualité d’héritier ou de tiers.

2 L’amende est de 1’000 francs au plus; elle est de 10’000 francs au plus dans les cas graves ou en cas de récidive. ”

Ces dispositions répriment toutes deux une violation des obligations de procédure du contribuable. Elles sont similaires, l’art. 174 al. 1 LIFD se différenciant uniquement en ce qu’il énumère des exemples de violation d’obligations de procédure. La peine prévue est identique, sans limite inférieure, mais avec une limite supérieure de 10’000 fr. pour les cas graves et de 1’000 fr. pour les autres.

Le bien juridiquement protégé par les articles 55 LHID et 174 LIFDest la bonne exécution de la taxation qui est mise en danger par le comportement récalcitrant du contribuable; en outre, ce comportement provoque, indirectement, la mise en danger à tout le moins abstraite de la créance fiscale de la communauté publique. La sanction n’a pas pour seule fonction de punir le contribuable, elle vise aussi à le contraindre à suivre les injonctions qui lui sont faites lorsqu’il n’obéit pas à une obligation qui lui est prescrite. La sanction doit permettre à l’autorité de taxation d’établir de façon exacte et complète les éléments imposables, afin d’établir les impôts dus; si le contribuable manque à son devoir, le risque existe en effet de voir ces éléments être sous-estimés et, par conséquent, la charge fiscale diminuée de façon indue.

Il y a concours idéal entre l’art. 55 LHID et 174 LIFD, les biens juridiques protégés par ces dispositions étant différents: ils tendent tous deux à assurer l’exécution d’une obligation procédurale mais l’un protège, au final, la créance d’impôt fédérale et l’autre la créance d’impôt cantonale et communale mises en danger par le comportement du contribuable.

Les amendes d’ordre infligées pour violation des obligations de procédure sont depuis longtemps qualifiées de sanction pénale, ainsi que de mesure de contrainte. Ainsi, l’amende doit être arrêtée dans chaque cas selon la culpabilité du contribuable. Une appréciation adéquate du cas doit être opérée: il s’agit de prendre en considération tous les aspects particuliers, à savoir la gravité de la faute, ainsi que la situation personnelle du contribuable, notamment sa situation financière et les effets de la peine sur sa situation. L’amende doit représenter une sanction efficace, et non pas seulement une mesure ” bagatelle “.

Dès lors que les amendes des art. 55 LHID et 174 LIFD sont qualifiées de sanctions pénales, la peine devrait être fixée selon les principes généraux du code pénal suisse du 21 décembre 1937 (RS 311.0), dont l’art. 47 CP.

Dans le cadre de la fixation de la peine selon l’art. 47 CP, il est tenu compte de la gravité de l’atteinte et donc de la valeur du bien juridiquement protégé qui a été lésé ou mis en danger; en cas de vol par exemple, la peine ne sera pas la même suivant la valeur du bien volé. Il n’y a pas lieu de s’écarter de cette différenciation pour les amendes d’ordre. Dans le cadre de l’application des art. 55 LHID et 174 LIFD, il s’agit d’établir l’importance que peut avoir l’obligation violée pour une taxation conforme au droit. Or, l’importance présumée du montant des éléments imposables constitue un facteur à prendre en considération dans ce cadre; ce montant sert d’ailleurs à définir si l’on est en présence d’un cas grave.

En outre, la sanction doit être efficace, c’est-à-dire qu’elle doit atteindre un certain montant, afin d’avoir un effet incitatif poussant le contribuable à remplir ses obligations de procédure. Cette efficacité est notamment fonction du montant des éléments imposables et donc du montant de la taxation : plus ceux-ci sont élevés plus l’amende devra l’être pour atteindre son but.

Rien n’empêche, dès lors, de fixer l’amende, dans le cadre des art. 55 LHID et 174 LIFD, en tenant compte du fait que la taxation aboutit, en principe, à un impôt dû plus important pour les ICC que pour l’IFD. Cette façon de procéder se différencie d’ailleurs de celle des art. 56 LHID et 175 LIFD en application desquels l’amende est directement déterminée sur la base du montant de l’impôt soustrait (elle est en principe du même montant que l’impôt soustrait; si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant et, si elle est grave, elle peut au plus être triplée).

In casu, le Tribunal cantonal a ramené l’amende pour les ICC, qui est infligée à la personne morale elle-même (art. 57 al. 1 LHID et art. 248 al. 1 LI), au même montant que celle pour l’IFD, considérant que la fixation de la quotité de cette amende au double du montant de celle pour l’IFD ne reposait ni sur les normes en cause ni sur la faute du contrevenant ou d’autres circonstances de fait. En cela, cette autorité a violé les art. 55 LHID et 241 LI, puisqu’au regard des considérations développées ci-dessus, le rôle incitatif de l’amende justifie un montant plus élevé en matière d’ICC.

(Arrêt du tribunal fédéral 2C_576/2016, 2C_577/2016 du 6 mars 2017)

Me Philippe Ehrenström, avocat, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon

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Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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