En matière de droit fiscal international, il ne suffit pas, pour admettre la constitution d’un nouveau domicile, d’avoir coupé les liens avec le domicile antérieur; il faut au contraire s’être constitué un nouveau domicile fiscal. Ainsi, dans la règle, selon le principe de la rémanence du domicile fiscal, le contribuable qui abandonne son domicile suisse pour se rendre à l’étranger conserve son domicile fiscal au lieu de son ancien domicile tant qu’il ne s’en est pas constitué un nouveau au lieu de sa nouvelle installation. La notion du domicile fiscal reste ainsi très proche de celle du droit civil et l’art. 24 al. 1 CC, qui prévoit que toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu’elle ne s’en est pas créé un nouveau, s’applique par analogie en matière de droit fiscal international.
Le Tribunal fédéral a dès lors jugé qu’un «globe-trotteur», parti pour vivre sur son voilier, conservait son dernier domicile en Suisse, faute de s’être constitué un nouveau domicile à l’étranger. Tant que ce «globe-trotteur» n’a pas créé des liens prépondérants vraisemblables, au sens de la prise de résidence, avec un nouveau lieu précis à l’étranger, il y a lieu de considérer que le domicile fiscal suisse est maintenu (ATF 138 II 300 consid. 3.6.3). De même, dans plusieurs cas concernant des délégués du CICR ainsi que celui d’une personne envoyée à l’étranger pour différentes missions au sein du Corps suisse en cas de catastrophe, le Tribunal fédéral a ainsi refusé d’admettre que ceux-ci s’étaient constitué un nouveau domicile à l’étranger (TF 2A.475/2003 du 26 juillet 2004; 2P.87/1994 du 11 avril 1995; 2A.174/1991 du 28 février 1992; 2P.251/1987 du 30 septembre 1987).
A moins qu’il n’existe des circonstances objectives, facilement reconnaissables d’une installation durable à l’étranger, les éléments de précarité liés à l’affectation d’un délégué du CICR à l’étranger impliquent qu’il garde son domicile fiscal en Suisse (TF 2A.475/2003 du 26 juillet 2004 consid. 2.3).
En conséquence, le contribuable qui quitte la Suisse y demeure assujetti de manière illimitée tant qu’il ne peut démontrer s’être constitué un nouveau domicile. Pratiquement, cela signifie que l’existence d’un nouveau domicile ou d’un séjour à l’étranger – ce qui est équivalent sur le plan de l’assujettissement – ne sera admise que si l’intéressé y paie des impôts ou s’il établit qu’il en est dûment dispensé. Toute autre solution serait en effet susceptible d’entraîner des abus incompatibles avec les principes de droit fiscal appliqués en Suisse. [On pourrait ajouter qu’une preuve de l’assujettissement illimité dudit contribuable dans le nouveau pays devrait aussi suffire].
(CDAP FI.2016.0067 du 3 octobre 2016, consid. 3 b)
Me Philippe Ehrenström, avocat, ll.m. (tax), Genève – Yverdon