Imposition des époux : communauté conjugale et domiciles séparés

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Selon l’art. 159 al. 3 CC, les époux se doivent l’un à l’autre fidélité et assistance. En vertu de l’art. 163 al. 1 CC, mari et femme contribuent, chacun selon ses facultés, à l’entretien convenable de la famille. Les impôts affectant les revenus et la fortune font partie de l’entretien de la famille dans la mesure où ils servent à son financement. Tant que perdure la vie commune, chaque époux s’oblige personnellement par ses actes et il engage solidairement son conjoint, en tant qu’il n’excède pas ses pouvoirs d’une manière reconnaissable pour les tiers. Placées sous le titre relatif aux effets généraux du mariage (titre cinquième), ces devoirs sont indépendants du régime matrimonial choisi par les époux.

Pour chaque époux, la capacité économique ne peut, en droit fiscal, être déterminée sans prendre en considération la communauté qu’il forme avec son conjoint, étant donné que le couple marié est considéré comme formant une certaine unité de droit civil et économique. L’existence de domiciles fiscaux séparés des époux dans deux cantons différents n’exclut pas d’emblée le maintien de la communauté conjugale au regard du droit fiscal.

D’après l’art. 9 al. 1 LIFD, les revenus des époux qui vivent en ménage commun sont additionnés, quel que soit le régime matrimonial applicable. A contrario, en cas de divorce ou de séparation durable de fait ou de droit durant la période fiscale, les époux sont imposés séparément, pour l’ensemble de la période fiscale.

Selon la jurisprudence rendue sous l’angle de la LIFD, pour que l’on admette la séparation de fait, il ne doit plus y avoir de ménage commun et les moyens financiers ne doivent plus être gérés en commun. Ces conditions sont cumulatives.

Une séparation au sens de l’art. 9 al. 1 LIFD suppose ainsi que les époux aient renoncé à la vie commune. Partant, aussi longtemps que chaque époux a un domicile propre tout en maintenant la communauté conjugale, il n’y a pas de vie séparée.

Il est dès lors nécessaire, pour que les conditions d’une taxation séparée soient réalisées, que les époux entendent réduire à néant la communauté conjugale, plus précisément qu’ils renoncent à vivre en ménage commun, en particulier pour l’un des motifs indiqués aux art. 137, 175 et 176 CC, et qu’ils vivent séparés de manière durable.

Par ailleurs, l’imposition séparée suppose l’absence de mise en commun des moyens d’existence des époux s’agissant notamment des dépenses afférentes à l’appartement et au ménage; autrement dit, l’assistance d’un époux par l’autre ne se fait plus que sous la forme de subsides d’un montant déterminé. Ainsi, par exemple, le ménage commun perdure lorsque des époux ayant des domiciles distincts mènent leur vie de couple durant les fins de semaine.

En l’occurrence,

il résulte certes des faits établis par la Cour de Justice que la recourante et son époux, mariés sous le régime de la séparation de biens, se sont constitué des domiciles séparés à Genève, respectivement à Zurich, et que la contribuable assume l’entier des frais liés à sa demeure genevoise et à ses dépenses personnelles. La circonstance que, durant les périodes fiscales litigieuses, les époux ont continué à être assujettis conjointement à l’IFD et que l’époux de la recourante, domicilié à Zurich, a assumé la charge d’impôt qui en découlait pour le couple suffit pour retenir que les époux ont maintenu tout au long une communauté conjugale. Ceux-ci continue ainsi à former une certaine unité économique et de droit civil.

Les déclarations de la recourante confirment cette conclusion. En effet, dans son courrier du 9 juillet 2004 à la base de l’Accord fiscal, l’intéressée avait indiqué que les principaux intérêts personnels et économiques du couple se trouvaient à Zurich. Elle y avait en outre exposé (art. 105 al. 2 LTF) que son mari lui rendait visite à Genève de manière occasionnelle, tout comme elle lui rendait de temps à autre visite à Zurich. Dans son recours du 17 septembre 2015 (p. 10), elle a, de surcroît, précisé qu’elle n’avait “jamais résidé de manière permanente à Zurich. C’est bien au contraire son mari qui venait très souvent les week-ends à Genève”, corroborant ainsi le maintien de la communauté conjugale.

(Arrêt du Tribunal fédéral 2C_837/2015 du 23 août 2016, consid. 4)

Me Philippe Ehrenström, avocat, ll.m., Genève-Yverdon

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Ce blog présente certains thèmes juridiques en Suisse ainsi que des questions d'actualité. Il est rédigé par Me Philippe Ehrenström, avocat indépendant, LL.M. (Tax), Genève et Yverdon.
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4 Responses to Imposition des époux : communauté conjugale et domiciles séparés

  1. Arnaud says:

    Bonjour,
    Merci pour cet article très détaillé.
    Cette séparation de fait entre 2 époux mariés sous le régime de la séparation de bien, domiciliés dans 2 cantons différents, n’est pas reconnue fiscalement par le droit suisse.
    Toutes choses égales par ailleurs, serait-ce aussi le cas si un des époux vivait en Suisse et l’autre en France, alors que de son côté l’administration fiscale française reconnait la séparation ?

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    • C’est un petit peu plus compliqué que cela. Le droit suisse reconnaît par exemple la constitution de domiciles séparés après une séparation par exemple. Il y a d’autres états de fait envisageables. La réponse est la même en cas de domiciles séparés CH-étranger: les circonstances du cas d’espèce sont déterminantes – existence d’une communauté conjugale, constitution réelle du domicile étranger, etc. Les administrations fiscales sont plutôt pragmatiques, donc beaucoup dépend de la manière dont c’est présenté/argumenté.

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  2. YV says:

    Bonjour,
    Merci pour cet article très détaillé.
    Qu’en est-il d’un couple marié avec un conjoint résidant et travaillant en Suisse (Genève), et l’autre conjoint résidant et travaillant (et donc imposé) a l’étranger (Canada)?

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